La temporada tauromachique européenne entre dans sa dernière ligne droite, le mois de septembre arrive dans quelques jours, les temples taurins vont amoindrir leurs activités. Nous commençons à percevoir que dans ces temples, une nouvelle fois seules les figuras ont atteint le zénith, tandis que les plus humbles ont continué à tutoyer le nadir tout en attendant d’être appelés pour d’éventuels remplacements de dernières minutes.
Malgré se constat qu’une nouvelle fois ce sont les seuls matadors en tête de l’escalafon à qui il a été fait appel, il n’en demeure pas moins que le bilan tiré au deux tiers de la saison n’est pas des plus brillants. La faute à des toros sans saveurs, mais aussi à ces toreros que l’ont ne voit que devant ces mêmes toros. A quand leur refus de continuer à dévaloriser la fiesta, leur exigence à combattre des toros bravos et non plus des toros faire valoir ?
Mais ce constat ne doit pas être focalisé sur les seuls bichos et autres acteurs taurins présents dans les ruedos, dénaturer la corrida de toros, perdre ses fondamentaux, provient aussi des organisateurs. Passons sur les courbettes de diverses présidences vis à vis des toreros, qui bientôt vont sortir les mouchoirs de changement de tercios sur un simple rictus des piétons. Passons aussi sur ces gens présents en civils dans le callejon, et qui font pressions sur la présidence pour l’attribution des trophées, vueltas posthumes, ect… Passons sur tout cela que l’on voit presque partout, et arrêtons nous sur un exemple qui ne saute pas aux yeux mais qui en dit long sur l’état de notre passion.
La tauromachie, la corrida de toros, est ritualisée et donc codifiée, c’est entre autre ce qui l’a rend intéressante, attirante au delà du combat entre un homme et un toro mais aussi de la perception de la mort, dans une société ou tout doit être lissé, aseptisé. Lorsque l’on se trouve sur les tendidos, que l’on est attaché à tout ce qui fait la course de toro et donc à sa partie rituélique, l’on ne peut être que déçu de constater certains manquements aux principes de base. Pour preuve, ce qui a été constaté il y a quelques jours lors d’une feria française, celle de Béziers pour ne pas la nommer, où les alguaciles n’effectuaient même pas le rituel du despejo **. Bien entendu depuis que ceux qui n’ont rien à faire sur le sable des arènes se retrouvent sagement sur les gradins, ou bien invités au point de saturer un callejon, le geste initial des alguaciles en ouvrant le paseo ne paraît ne plus être d’intérêt. Pourtant il a toute sa place et son sens, et ne plus l’effectuer est une entame des fondamentaux taurins.
Un rite, ce n’est pas que du décorum placé ici ou là pour égayer la situation. Le rite, provenant du mot sanscrit « rita », signifiant « ordre », désigne donc le désir de ne pas sombrer dans le chaos, d’agir selon des règles communes afin de partager le sens profond de l’acte, le rite désigne aussi les moments forts et formalisés d’une cérémonie. D’interprétation multiple par ceux et celles qui l’accomplissent, le rite, et en particulier le rite taurin, est perçu comme un amusement ou bien sacralisé. En tauromachie, il est alors dommage de constater que le rite est généralement perçu, lorsqu’il est réellement perçu ce qui est loin d’être toujours le cas, comme un amusement, dans la continuité d’une tradition archaïque et non d’une tradition vivante. Ceci étant à l’image de notre société contemporaine.
Tout comme les rites maçonniques ou bien d’autres sociétés initiatiques, la modification du rite taurin n’apporte pas de changement sociétal, et ne se consacre qu’à la relation toute personnelle que l’on peut avoir par rapport au sacré. Mais modifier, ou carrément ne pas effectuer une partie du rite, peut avoir de néfastes répercutions. Ainsi amoindri par des attitudes, qui ressemble plus dans l’exemple cité à une méconnaissance de toute l’étendue du rôle de l’alguacil, la corrida de toros perd un peu plus chaque jour de sa substance, au point que seuls quelques aficionados passant pour des intégristes taurins, s’inquiètent de la dégénérescence de la corrida de toros bravos, dégénérescence ponctuée par de petites touches.
Car pointer l’absence du despejo n’est pas ici pour étaler une connaissance taurine toute relative, mais bien pour montrer que ces parties du rite taurin, même si elles représentent de menus détails, sont importantes et mises bout à bout, prennent de l’ampleur. Car vouloir accomplir l’acte taurin dans son intégralité, l’observer scrupuleusement, c’est aussi garder le contact avec les entités auprès desquelles l’initié recherche une tutelle bienveillante et une puissance agissante. C’est donc garder le contact avec ces illustres, mais aussi ces humbles matadors, qui ont permis grâce à leurs vergüenza, leur pundonor, de donner ses lettres de noblesses à la corrida. Car depuis les prémices de notre passion, ils respectaient les rites, sacralisaient ainsi leurs actes, ordonnaient ce qui aurait pu rapidement n’être que chaos au point d’amener le fait de combattre un toro vers un art.
Hors, on le constate avec cet exemple de disparition du despejo, que le rite en lui-même est bafoué, au point de faire chanceler la corrida et avec elle l’esprit même qui fait la tauromachie. Si l’on continue a édulcorer de la sorte la moindre partie de notre passion, la tauromachie ne pourra se remettre de la situation qu’elle connaît actuellement. Car d’une manière détournée, larvée, les contempteurs de l’art de Cuchares avancent avec les mêmes objectifs des tribus sud-américaines. Pour eux, l’objectif est aussi de dénaturer, d'alléger l’art de Cuchares et ainsi perdre ce qui est le socle de l’art de torear. Et ne pas tenir compte des tout ce qui fait la corrida de toros, mettre en avant des toros faire valoir, minimiser le premier tercio, et perdre petit à petit le rite taurin voulu par les fondateurs de notre passion, c’est indirectement s’associer aux anti-taurins et cela équivaut à leur donner des pommes de terre. Bien entendu cela ne représente certes pas des centaines de kilos, pour l’instant, mais suffisamment de poids pour prendre des forces et poursuivre leurs avancées devant un public taurin de moins en moins au fait de ce qu’est la tauromachie. La prochaine étape en ligne de mire étant les corridas de Don Bull, où sous prétexte d’absence de sang, les tenants auto-proclamés des mœurs de la bonne morale sociétale, auront tout à gagner de présenter les aficionados a los toros, ceux pour qui le toro doit être bravo et non pas un faire valoir, comme des sanguinaires. Nous serons montrés du doigt, jetés au pilori de la société. Les bonnes âmes s’éloigneront, n’auront d’yeux que pour cette corrida sin sangre, entrant ainsi dans le moule pour être à nouveau acceptés par les moralisateurs. Ces derniers pourront alors crier « au vainqueur les pommes de terre ! ».
* Expression rencontrée dans l’ouvrage de l’auteur brésilien J.M. Machado de Assis (1839-1908), «Le philosophe ou le chien Quincas Borba » (éditions Métaillé, 1998). Cette expression provient des montagnes sud-américaines, où les pommes de terre revenaient à la tribu qui élimine l’autre, afin qu’elle possède la force nécessaire pour passer de l’autre côté du versant de la montagne, et puisse aller éliminer une autre tribu et s’empare d’autres pommes de terre afin de continuer la tâche.
** Despejo, acte effectué par les alguaciles lorsque le peuple s’emparait du ruedo, qui consistait à dégager ce dernier avant le début de la course. Aujourd’hui il est effectué symboliquement lorsque après avoir salué la présidence, les alguaciles vont chercher les toreros au patio de caballos en longeant la talenquère.
Malgré se constat qu’une nouvelle fois ce sont les seuls matadors en tête de l’escalafon à qui il a été fait appel, il n’en demeure pas moins que le bilan tiré au deux tiers de la saison n’est pas des plus brillants. La faute à des toros sans saveurs, mais aussi à ces toreros que l’ont ne voit que devant ces mêmes toros. A quand leur refus de continuer à dévaloriser la fiesta, leur exigence à combattre des toros bravos et non plus des toros faire valoir ?
Mais ce constat ne doit pas être focalisé sur les seuls bichos et autres acteurs taurins présents dans les ruedos, dénaturer la corrida de toros, perdre ses fondamentaux, provient aussi des organisateurs. Passons sur les courbettes de diverses présidences vis à vis des toreros, qui bientôt vont sortir les mouchoirs de changement de tercios sur un simple rictus des piétons. Passons aussi sur ces gens présents en civils dans le callejon, et qui font pressions sur la présidence pour l’attribution des trophées, vueltas posthumes, ect… Passons sur tout cela que l’on voit presque partout, et arrêtons nous sur un exemple qui ne saute pas aux yeux mais qui en dit long sur l’état de notre passion.
La tauromachie, la corrida de toros, est ritualisée et donc codifiée, c’est entre autre ce qui l’a rend intéressante, attirante au delà du combat entre un homme et un toro mais aussi de la perception de la mort, dans une société ou tout doit être lissé, aseptisé. Lorsque l’on se trouve sur les tendidos, que l’on est attaché à tout ce qui fait la course de toro et donc à sa partie rituélique, l’on ne peut être que déçu de constater certains manquements aux principes de base. Pour preuve, ce qui a été constaté il y a quelques jours lors d’une feria française, celle de Béziers pour ne pas la nommer, où les alguaciles n’effectuaient même pas le rituel du despejo **. Bien entendu depuis que ceux qui n’ont rien à faire sur le sable des arènes se retrouvent sagement sur les gradins, ou bien invités au point de saturer un callejon, le geste initial des alguaciles en ouvrant le paseo ne paraît ne plus être d’intérêt. Pourtant il a toute sa place et son sens, et ne plus l’effectuer est une entame des fondamentaux taurins.
Un rite, ce n’est pas que du décorum placé ici ou là pour égayer la situation. Le rite, provenant du mot sanscrit « rita », signifiant « ordre », désigne donc le désir de ne pas sombrer dans le chaos, d’agir selon des règles communes afin de partager le sens profond de l’acte, le rite désigne aussi les moments forts et formalisés d’une cérémonie. D’interprétation multiple par ceux et celles qui l’accomplissent, le rite, et en particulier le rite taurin, est perçu comme un amusement ou bien sacralisé. En tauromachie, il est alors dommage de constater que le rite est généralement perçu, lorsqu’il est réellement perçu ce qui est loin d’être toujours le cas, comme un amusement, dans la continuité d’une tradition archaïque et non d’une tradition vivante. Ceci étant à l’image de notre société contemporaine.
Tout comme les rites maçonniques ou bien d’autres sociétés initiatiques, la modification du rite taurin n’apporte pas de changement sociétal, et ne se consacre qu’à la relation toute personnelle que l’on peut avoir par rapport au sacré. Mais modifier, ou carrément ne pas effectuer une partie du rite, peut avoir de néfastes répercutions. Ainsi amoindri par des attitudes, qui ressemble plus dans l’exemple cité à une méconnaissance de toute l’étendue du rôle de l’alguacil, la corrida de toros perd un peu plus chaque jour de sa substance, au point que seuls quelques aficionados passant pour des intégristes taurins, s’inquiètent de la dégénérescence de la corrida de toros bravos, dégénérescence ponctuée par de petites touches.
Car pointer l’absence du despejo n’est pas ici pour étaler une connaissance taurine toute relative, mais bien pour montrer que ces parties du rite taurin, même si elles représentent de menus détails, sont importantes et mises bout à bout, prennent de l’ampleur. Car vouloir accomplir l’acte taurin dans son intégralité, l’observer scrupuleusement, c’est aussi garder le contact avec les entités auprès desquelles l’initié recherche une tutelle bienveillante et une puissance agissante. C’est donc garder le contact avec ces illustres, mais aussi ces humbles matadors, qui ont permis grâce à leurs vergüenza, leur pundonor, de donner ses lettres de noblesses à la corrida. Car depuis les prémices de notre passion, ils respectaient les rites, sacralisaient ainsi leurs actes, ordonnaient ce qui aurait pu rapidement n’être que chaos au point d’amener le fait de combattre un toro vers un art.
Hors, on le constate avec cet exemple de disparition du despejo, que le rite en lui-même est bafoué, au point de faire chanceler la corrida et avec elle l’esprit même qui fait la tauromachie. Si l’on continue a édulcorer de la sorte la moindre partie de notre passion, la tauromachie ne pourra se remettre de la situation qu’elle connaît actuellement. Car d’une manière détournée, larvée, les contempteurs de l’art de Cuchares avancent avec les mêmes objectifs des tribus sud-américaines. Pour eux, l’objectif est aussi de dénaturer, d'alléger l’art de Cuchares et ainsi perdre ce qui est le socle de l’art de torear. Et ne pas tenir compte des tout ce qui fait la corrida de toros, mettre en avant des toros faire valoir, minimiser le premier tercio, et perdre petit à petit le rite taurin voulu par les fondateurs de notre passion, c’est indirectement s’associer aux anti-taurins et cela équivaut à leur donner des pommes de terre. Bien entendu cela ne représente certes pas des centaines de kilos, pour l’instant, mais suffisamment de poids pour prendre des forces et poursuivre leurs avancées devant un public taurin de moins en moins au fait de ce qu’est la tauromachie. La prochaine étape en ligne de mire étant les corridas de Don Bull, où sous prétexte d’absence de sang, les tenants auto-proclamés des mœurs de la bonne morale sociétale, auront tout à gagner de présenter les aficionados a los toros, ceux pour qui le toro doit être bravo et non pas un faire valoir, comme des sanguinaires. Nous serons montrés du doigt, jetés au pilori de la société. Les bonnes âmes s’éloigneront, n’auront d’yeux que pour cette corrida sin sangre, entrant ainsi dans le moule pour être à nouveau acceptés par les moralisateurs. Ces derniers pourront alors crier « au vainqueur les pommes de terre ! ».
* Expression rencontrée dans l’ouvrage de l’auteur brésilien J.M. Machado de Assis (1839-1908), «Le philosophe ou le chien Quincas Borba » (éditions Métaillé, 1998). Cette expression provient des montagnes sud-américaines, où les pommes de terre revenaient à la tribu qui élimine l’autre, afin qu’elle possède la force nécessaire pour passer de l’autre côté du versant de la montagne, et puisse aller éliminer une autre tribu et s’empare d’autres pommes de terre afin de continuer la tâche.
** Despejo, acte effectué par les alguaciles lorsque le peuple s’emparait du ruedo, qui consistait à dégager ce dernier avant le début de la course. Aujourd’hui il est effectué symboliquement lorsque après avoir salué la présidence, les alguaciles vont chercher les toreros au patio de caballos en longeant la talenquère.
1 commentaire:
Mieux vaut voir une corrida(?) a priori insipide Goyesque à Antéquera que autres affublées du package taurin 2009
des spectacles à forte connotation CaC 40 pour satisfaire les rois de l'escalafon,un public de plus en plus con ,une regie deso..pilante venue ouvrir le robinet de la fraiche et des Présidences foie gras ou caviar à l'identique de Hugo Chavez...pardon, désolé d'avoir etait si long je vais rater le Kitt du jour ou les pique(s) assiette vont chercher leur savoir mais surtout le calléjon!!!!
J'ai bien dit goyesque mais non pas grotesque.............
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