jeudi 24 décembre 2009

Fin d'année taurine ... nouvelle année taurine...


L’aficionado a los toros aime, à la fin de l’année, effectuer le bilan de son activité tauromachique. Mais que le lecteur se rassure, l’activité de blog taurin atypique y échappera, il est nullement question dans ce billet, de regarder les premiers mois d’activités sur ces colonnes. Chacun et chacune, lecteur d’un jour, occasionnel ou bien assidu, aura lu les différents articles proposés, et de lui-même, fait sa propre opinion sur l’intérêt des textes proposés. Quant à la fréquentation de ce blog, le compteur parle à lui tout seul. Il est toutefois bon de rappeler ici, que ces colonnes n’ont reçu aucune publicité sur des sites ou blogs dont la fréquentation est extrêmement élevée. Seuls quelques amis animateurs d’autres blogs, ont mis en lien « Les deux arts », ceci de part l’amitié partagée sur les tendidos, ou la curiosité des sujets proposés.

Point de bilan disions-nous. Certes le mois de décembre marque la fin de l’année calendaire, mais pas la fin de toute activité. Même si pour quelques adorateurs des peurs sociétales, il se pourrait que le temps stoppe son œuvre en 2012, ou bien encore un peu plus tard avec les catastrophes que nous prédisent les adeptes de l’écologie politique. Une fin d’année où le vote catalan à propos de la tauromachie dans cette région, ne s’est pas soldé par le raz de marée annoncé par les abolitionnistes, et dont le débat va se poursuivre en montrant sa vraie nature. Une nature qui est tout d’abord un désir de supprimer dans cette région, tout ce qui a un lien avec le pouvoir de Madrid, et de s’en prendre aux libertés de ceux et celles qui ne conçoivent pas la vie comme eux.
Mais, chose curieuse pour nous qui nous intéressons ici-même à la tauromachie ainsi qu'aux sociétés initiatiques, cette atteinte au respect de la différence, s'est faite jour aussi à l’issue d’un vote au sein de la principale obédience maçonnique française, un vote négatif à propos de l’initiation féminine dans la structure. Divers journaux et autres sites internets, rapportent ce fait depuis le mois de septembre 2009, occultant volontairement le fond du sujet. Des quotidiens, hebdomadaires et blogs, ont critiqué la forme de ce refus, alors qu’il y eut un vote démocratique. Oubliant même de préciser que la franc-maçonnerie propose depuis des décennies des obédiences entièrement masculines ou bien exclusivement féminines, mais aussi mixtes. Une demande de mixité sexuelle, qui masque le manque d’une réelle mixité sociale. Ceci amenant même des attaques entre frères sur des forums, qui vont jusqu’à qualifier d’obscurantistes, et prédisant même lors d’échanges le port de la burka pour les femmes des frères considérés comme « non ouverts ». Pourtant, lors de leurs candidatures, ces membres désireux de la mixité sexuelle mais non sociétale, avaient la possibilité d’adhérer à une obédience mixte, et ont même la possibilité de changer d’obédience de nos jours. Pourquoi ne l’ont-ils pas fait, et le font-ils pas ? Mystère !

Chose amusante, ce sujet fût rapidement donné en exemple il y a peu par un intervenant sur un forum tauromachique. Une reprise sous la forme d’une seule phrase, lors d’une intervention laissant à penser à une misogynie exacerbée, plutôt qu’à une connaissance réelle du sujet.

Ce qui paraît surprenant de la part d’un mouvement philosophique dont les membres sont soient disant respectueux des avis différents, mais dont quelques uns n’hésitent pas à vouloir imposer leur vision, n’est malheureusement pas surprenant de la part des contempteurs taurins. Ces derniers, ayant profités de l’inaction de l’afición pendant bien longtemps, se sont fédérés et structurés au point de répandre à loisir leur morale sociétale, et insultants dans la plus parfaite impunité les aficionados a los toros. Pour contrer cela, une partie des aficionados réagit depuis quelques temps, et le dernier congrès de l’Union des Villes Taurines de France, vient d’officialiser la démarche pour une demande de reconnaissance de la tauromachie auprès de l’UNESCO. Bien entendu, la démarche ne plaît pas à l’ensemble des aficionados français, pour des raisons qui leurs sont propres et toutes respectables. Mais il n’empêche que devant le désaccord, une fois de plus dirions-nous, pour certains aficionados a los toros en cette fin d’année, c’est un sentiment d’afición désabusée qui se fait jour. Quand arriverons-nous à être d'accord au moins sur ce point ?
Comme le débat sur la mixité sexuelle est récurent depuis des années dans les murs de la principale obédience maçonnique française, nous sommes en droit de craindre que toute initiative pour s’efforcer de rendre pérenne la culture taurine, ne devienne tout aussi redondante. Et l’on en est presque à parier que dans ce domaine aussi, dans un an nous en serrons au même point quant à la fédération de l’afición française pour combattre ceux et celles qui en veulent à notre liberté de vivre comme nous l’entendons, à savoir aimer la tauromachie.
Alors que pendant que des tolérants pourfendent ceux qui ne voient pas leurs vies associatives comme eux, que l’afición hexagonale reste divisée sur des actions ou non actions à mener, des passionnés de tauromachie continuent leur cheminement. Cheminement que nous reprendrons ici-même dès les premiers jours du mois de janvier. En attendant, nous espérons que pour tous ceux et celles, visiteurs assidus de ces colonnes, la prochaine année apportera force et vigueur pour mener à bien leurs souhaits les plus chers.

mercredi 16 décembre 2009

Laurent Tailhade, écrivain, franc-maçon et aficionado a los toros.


Afin de poursuivre la ligne fixée sur ce blog taurin, il était intéressant en cette période de grande froideur, d’aborder un pan de la vie d’un écrivain français, de surcroît aficionado a los toros. Que personne ne voit une quelconque redondance avec la communication présentée il y a à peine plus d’un an, lors du IVè colloque de « l‘Union des Bibliophiles Taurins de France »*. Où ce jour la, un sociétaire présenta un travail fort intéressant à propos de l’écrivain, polémiste, pamphlétaire, conférencier, franc-maçon et aficionado a los toros, Laurent Tailhade (1854-1919). C’est particulièrement sur cet aspect taurin, que l’homme de lettre tarbais attira l’attention de Jean-Claude Lassalle.

Car notre sociétaire de l’U.B.T.F. découvrit une missive originale de Laurent Tailhade adressée depuis « l’hôtel de La Poste » de Saint Jean de Luz, à un dénommé Carolus. Ce Carolus, d’après les recherches poussées de Jean-Claude Lassalle, serait Carolus-Duran, peintre et portraitiste des enfants et des femmes de la haute société de la troisième République. Cette missive de l’écrivain précise que le lendemain de son écrit, soit un 29 août, il doit se rendre à San Sébastian, pour y voir toréer Luis Mazzantini, le seul diestro de renom qu’il ne connaisse pas encore. A cette époque, l’auteur de entre autre, « La corne et l’épée », connaît déjà certaines gloires, comme Zola, Verlaine, Alphonse Allais, Aristide Bruand lui-même franc-maçon, mais aussi Sarah Bernhard.

Anarchiste et anti-clérical virulent, Laurent Tailhade est initié en franc-maçonnerie à Toulouse en 1887, soit un an avant de revenir définitivement à la vie parisienne. Car notre homme, après un premier mariage bourgeois en 1879, et dont l’épouse décèdera en 1883, monte une première fois à la capitale. La vie qu’il mène à Paris ne semble pas plaire à son géniteur qui lui coupe les vivres. Redescendu à Bagnère de Bigorre, Laurent Tailhade convole en seconde noce, mais cette dernière ne durera pas plus d’un an. Il est à croire que le fait d’avoir menacé d’un pistolet sa seconde épouse alors qu’elle voulait aller à la messe, n’a probablement pas contribué à une vie de couple paisible.

L’écrivain devient donc franc-maçon l’année de la séparation d’avec cette seconde épouse, il est initié dans la loge L’indépendance française du Grand Orient de France à Toulouse. C’était le 4 février 1887, année aussi de la publication de son premier texte taurin. L’année suivante, le 5 février 1888, il passe au degré de compagnon. C’est donc après cette date qu’il monte définitivement à la capitale, et qu’il demande son affiliation à la loge parisienne La Philosophie positive. Loge dans laquelle il accèdera au troisième degré le 5 février 1894. Notre écrivain aficionado a los toros, démissionnera de la franc-maçonnerie en 1906, ce qui ne l’a pas empêché d’être considéré comme un frère dont le zèle maçonnique est infatigable, comme la rapporte Léo Campion dans son ouvrage de référence sur la franc-maçonnerie et l’anarchisme**.

C’est durant son engagement maçonnique que Laurent Tailhade publia ses recueils les plus célèbres, en 1891 avec « Au pays du mufle », et 1900 pour « Imbéciles et gredins ». Mais c’est aussi durant cette période qu’il accentuera son anarchisme et anti-cléricalisme pourtant déjà bien en pointe. Certains des nombreux duels auxquels il participa sont devenus célèbre, tout comme les circonstances dans lesquelles il perdit un oeil, étant l’une des victimes du restaurant Foyot lors d’un attentat… anarchiste. A propos de cet acte, notre écrivain aficionado a los toros écrira que la lutte sociale actuelle m’intéresse comme une grande course de taureaux. J’ai été blessé par un taureau échappé.

Mais ce qui nous intéresse plus particulièrement sur ces colonnes, c’est que grâce au travail de Jean-Claude Lassalle suite à sa découverte de la lettre de Laurent Tailhade, nous savons que l’écrivain venait de renouer avec la passion des taureaux après cinq années sans voir de corridas, ceci seulement quelques mois avant son initiation maçonnique. La corrida de San Sébastian qu’évoque Tailhade dans sa missive, date de l’année 1886, car cette année la, le 29 août exactement, il rédige une lettre racontant un mano a mano entre Luis Mazzantini et « Cara Ancha » dans ses mêmes arènes. Cette lettre sera publié en 1898 sous le tire « Souvenir de taureaux ». Un sujet qui s’ajoute à une longue liste d’articles taurins que l’écrivain publia notamment dans « Terre Latine », mais aussi dans d’autres titres.

C’est à l’âge de 13 ans que Laurent Tailhade fait remonter son premier désir de toros, en racontant à sa mère une tentative avortée de se rendre à pied en Espagne pour y voir des toros bravos. Cette passion pour la tauromachie, sera aussi vive et excessive que bon nombre de ses engagements, et les adversaires taurins en feront les frais. Fidèle à ses convictions, comme il le montra tout au long de sa vie, Laurent Tailhade combattit les adversaires de la tauromachie, avec toute l’énergie et la verve qu’on lui connaît. Ceux qui écrivent aussi sur les toros en prendront pour leurs grades, dont Théophile Gautier et Maurice Barres. Critiques qui n’étaient pas celles d’un éventuel jaloux devant les textes de ces deux auteurs, mais bien des critiques de la part d’un véritable aficionado a los toros, dont la connaissance technique fût démontrée à maintes occasions.

Toutefois, dans son étude remarquable, Jean-Claude Lassalle soulève une petite curiosité, à savoir que Tailhade s’intéressa constamment à la personnalité de Luis Mazzantini. Notamment dans « La touffe de sauge », où l’auteur mentionne les qualités toreras ainsi que les goûts vestimentaires de Don Luis. Mais pour lui, le succès de Mazzantini était avant tout un succès de curiosité plutôt que d’admiration technique. Cet intérêt était-il le fait d’une certaine admiration du personnage atypique mais combien marquant de son époque, ou bien Laurent Tailhade savait-il que Luis Mazzantini était un frère ?

Dans quelques recherches il nous a été permis d’émettre de fortes hypothèses à l’occasions de rencontres entre Luis Mazzantini et des francs-maçons, mais nous pouvons dès à présent en écarter une. Nous pouvons ici affirmer que si il y eut une rencontre entre Don Luis et Laurent Tailhade, ce qui semble fort peu probable, elle ne fût pas sous le signe de l’équerre et du compas. Mazzantini était déjà franc-maçon lors de cette corrida à San Sébastian, mais pas notre écrivain. Et même si il se disait que Don Luis fît campagne aux Amériques afin de faire oublier son état de franc-maçon, mais aussi que ses détracteurs assuraient que les contrats étaient obtenus du simple fait qu’il fût membre de la franc-maçonnerie. Laurent Tailhade ne salua donc pas fraternellement Don Luis à l’issue de la corrida de San Sébastian en 1886.


*Les actes du colloque ont été publiés dans le numéro 48 de la revue des membres de « l’Union des Bibliophiles Taurins de France », parue au mois de novembre 2009.

**« Le drapeau noir, l’équerre et le compas ».

vendredi 11 décembre 2009

Le gardien.


Malgré la subjectivité que représente toute mesure basée sur le constat ou le ressenti humain, l’aficionado a los toros possède en lui cette tendance, qui est de vouloir mesurer le sérieux d’une arène suivant ses propres critères tauromachiques. L’on trouve les aficionados pour qui l’importance d’une arène, se reflète dans le nombre de figuras qui y assurent le paseo, et avec cela le nombre d’appendices octroyés dans une tarde. En vis-à-vis, et souvent revendiqué en opposition, l’on trouve les aficionados pour qui l’importance, le sérieux d’une arène, se retrouve dans sa capacité à faire appliquer les fondamentaux de la lidia du toro bravo et de voir les coletudos s’en acquitter sans sourciller.

Même si ces deux visions tauromachiques sont opposées, car les hommes ainsi que le bétail que l’on trouve dans l’une ne se trouve que peu souvent dans l’autre catégorie de plaza, rien n’interdit à chacun, quel que soit son idéal taurin, de vouloir appliquer une autre mesure. Celle qui consiste à ce que la direction d’une arène, empresa mais aussi présidence, démontre un réel intérêt à l’application du rite taurin dans ses moindres détails.

Peine perdue penseront certains, car depuis longtemps le sens du rite tauromachique a en grande partie disparu. Cette perte du sens même du rite, n’est pas le simple fait d’une vision tauromachique sur la quelle il serait trop facile de pointer l’index, afin de dénoncer une évolution plus axée vers le spectacle que vers le combat. Cela va bien plus loin, car il s’agit bien de l’ensemble de la société contemporaine perdant ses bases rituéliques, hormis pour imposer des rites négatifs basés sur les seuls interdits, en unique réponse aux craintes de l’avenir.

Aussi, lorsque au début du mois de décembre la chaîne de télévision « TV Andalucia » proposa la retransmission d’une corrida depuis la plaza de toros de Quito, l’aficionado attaché au rite tauromachique eut une belle petite surprise. Même si pendant cette corrida célébrée en la capitale équatorienne, l’indulto du troisième toro laissa une grande amertume, tant son comportement sous la puya ne montra aucun trait pouvant laisser entrevoir la moindre grâce, le comportement du gardien du toril au moment du paseo attira l’attention.

Une attention retenue de par son salut envers la présidence, par trois fois, entre le début du paseo et la sortie du premier bicho. Alors qu’il est souvent observé un simple salut, unique et furtif, cette attitude marquée vers l’autorité de la course, et que cette dernière rendait, démontrait toute l’importance de sa fonction. L’importance que le torilero s’accordait, mais aussi et surtout, l’importance que lui accorde la présidence. Dans ce que l’on pourrait voir comme un simple micro-rituel démontrant le respect, l’on trouve une mise en forme, une officialisation de la fonction de gardien du toril. Une marque de respect et d’importance dans cet espace d’une expression théâtralisée, où la mort du toro répond aux interrogations que se font les hommes et les femmes autour de leur propre mort. Ce salut n’est pas un simple bonjour servant à établir le contact entre protagonistes, mais bien un signe d’union, acte de respect mutuel et de définition d’existence au monde. Cet acte permet de redonner toute sa place à cette fonction de l’ombre, appartenance au monde des acteurs du rite qui va s’accomplir.

Observer ce salut appuyé, à fait naître dans l’esprit, ce que certains pourront qualifier de simple digression, mais qui au-delà de cette vision basique, force à une autre approche. Surtout lorsque l’on s’intéresse à quelques sujets de réflexions, que l’on est pas hermétique à certaines perceptions atypiques du monde et des mondes. C’est ainsi que l’on voit le gardien du toril non pas comme un simple intervenant ponctuel dans le décorum de l’art de Cuchares, mais bien comme un acteur à part entière du ruedo. Et le lecteur, ou la lectrice, assidu de ces colonnes, aura sûrement compris qu’à travers le rôle du torilero, l’on perçoit une certaine similitude avec une fonction remplie dans les rituels de la franc-maçonnerie.

La situation du torilero à même le ruedo, opposée à la présidence, n’est pas sans faire songer à celle de la fonction du couvreur d’une loge de franc-maçon. Le président d’une loge pendant une réunion, est positionné de façon surélevée par rapport à l’assemblée et faisant face au gardien de temple maçonnique, le fameux frère couvreur. Celui-ci étant l’ancien président ayant laissé son vénérala, passant ainsi de la fonction la plus haute à la plus humble. Toutefois, ce qui lien allégorique qui existe entre ces deux gardiens, est de l’ordre de l’importance de leurs rôles respectifs. La lecture de rituels maçonniques disponibles sur le net, ou bien les informations données par divers auteurs maçonniques dans leurs ouvrages, le montre pour le couvreur. Apparu en 1813, suite au doublement de la fonction de tuileur, le couvreur a pour mission de garder la loge close au regard du monde extérieur. Toute personne qui frappe à la porte se voit d’abord accueillie par lui, et tout malveillant est repoussé de la pointe de l’épée, de façon défensive. Il est le relai entre le président et les frères qui se trouvent sur les parvis et demandent à entrer, il s’adresse au président par l’intermédiaire des surveillants des colonnes, ou bien directement au président suivant les dispositions de certains rituels.

Changeons quelques mots, et nous pouvons sans peine transposer le couvreur d’une loge maçonnique au rôle de gardien du toril. Nul ne peut accéder au ruedo via le toril sans passer par son gardien. Il prend ses ordres de la présidence, via les alguacils ou bien directement du palco suivant la situation, pour permettre l’entrée du toro en piste, mais aussi lors du changement de ce dernier si il y a lieu. Il reçoit les clefs du toril directement du président, ce dernier lui déléguant ainsi la régulation du combat. Car même si la présidence fait sonner les clarines pour donner les ordres, il n’en demeure pas moins que la sortie en piste des bichos est gérée physiquement par le torilero. Et ce pouvoir se retrouve aussi chez le couvreur d’une loge maçonnique, qui armé d’une épée, même dissuasive, prolongement de l’épée flamboyante du président, quand celle-ci n’est pas elle-même en possession du couvreur comme l’indiquent certains rituels.

Peut être que parmi ceux et celles qui viennent de lire ces lignes, quelques personnes se diront que nous voulons absolument trouver des liens entre notre passion pour la tauromachie et la franc-maçonnerie. Aussi, arrêtons la comparaison, et laissons volontairement au lecteur occasionnel mais aussi assidu de ces colonnes, l'envie d’approfondir la représentation que peuvent lui signifier les deux gardiens.

mercredi 2 décembre 2009

"Les anges jouent des maracas".


L’hiver approchant en Europe, l’aficionado a los toros continu de vivre sa passion de diverses façons, notamment par la littérature taurine. Le hasard des navigations internautiques ainsi que l’intérêt pour la littérature contemporaine, ont permis il y a peu de découvrir la publication en France, d’un roman policier écrit par un auteur cubain.

Pourquoi parler d’un tel livre sur un blog taurin, certes atypique, mais qui se veut traiter tout de même de tauromachie ?
Tout d’abord parce que les revues taurines ou les sites taurins, n’informent pas tous des diverses parutions, ni de tous les livres ayants dans leurs pages des faits plus ou moins proches des toros. Il existe même des publications, qui choisissent de taire volontairement des lectures taurines particulières, du seul fait que le fond du sujet dérange.

Parler du roman policier de Angel Tomás Gónzalez Ramos, « Les anges jouent des maracas »*, et publié au mois de juin 2009 par les éditions « L’atinoir », n’est certes pas décalé sur un blog taurin, et encore mois sur celui-ci. Lorsque le lecteur ou la lectrice assidu de ces colonnes, saura que sur la quatrième de couverture l’on peut y lire que l’intrigue se déroule à La Havana en 1887, et que Luis Mazzantini est mentionné se produisant dans le ruedo cubain pour un seul contre six en présence de Sarah Bernhard, le voile de l’interrogation éventuelle sera levé.

L’objet du présent article n’est en aucun cas d’émettre une critique tant sur le fond que sur la forme du roman, mais plutôt de porter à la connaissance de l’aficionado a los toros qui s’arrête ici, un nouveau livre où la tauromachie est présente, même de loin. Il est important de noter que les éditions « L’atinoir », ont pour habitude d’introduire le texte d’une préface rédigée par l’auteur, ceci afin de proposer au lecteur une rencontre avec l’écrivain. C’est ainsi que l’on apprend de l’auteur lui-même, que le fond historique de son livre est basé sur des recherches consacrées à découvrir le passé cubain au travers, entre autre, des journaux de l’époque. De cette façon, l’auteur donne au lecteur un aperçu de l’aristocratie de la capitale cubaine, avec ses intrigues politiques, ses débauches, dans cette période d’entre deux guerres coloniales.

Dès lors, le visiteur présent depuis longtemps sur ces colonnes, éprouvera certainement un intérêt pour ce roman. L’hôtel « Petit » que nous avons mentionné dans un précédent article sur la relation entre Don Luis et l’actrice, cet hôtel où réside Sarah Bernhard, y est décrit ainsi que son propriétaire. L’actrice est même interrogée par le policier chargé de l’enquête, et nous la découvrons dans sa chambre, où animaux et cercueil l’accompagnent.
Dans ce roman, il y a une nouvelle fois une allusion de l’initiation en franc-maçonnerie de Luis Mazzantini. Cela ne relève pas du scoop pour nous, mais l’on peut y voir ici aussi l’idée répandue que le maestro vînt toréer de l’autre côté de l’océan pour le simple fait de vouloir faire oublier son engagement maçonnique. Comme nous l’avons déjà écrit et développé dans « L’équerre, le compas, les toros »**, cette idée semble peut probable.

Même si Luis Mazzantini n’entre réellement en scène dans ce roman qu’à partir de la page 121, le billet transmis par l’actrice au torero et invitant ce dernier à la rejoindre dans sa chambre d’hôtel est aussi évoqué. Il est remis à Don Luis dans un contexte différent que celui vu récemment sur ces colonnes, mais il est mentionné et se voit même attribué quelques lignes. Avant de rejoindre l’actrice dans son intimité, Luis Mazzantini doit affronter en solitaire six toros. Une corrida lors de laquelle le maestro brise en deux l’épée d’estocade, comme cela lui arriva réellement à Madrid.
Cette corrida cubaine est aussi l’occasion de voir une fois de plus pointé l’intérêt du maestro concernant sa vêture, et ceci étant pour l’auteur du roman, ce qui a fait avant tout la renommée de Don Luis. Raccourci quelque peu réducteur, surtout lorsque l’on sait que Luis Mazzantini fût un spécialiste de l’estocade a volapié, ainsi que l’un des initiateurs du sorteo. Même si il est vrai que le torero fût, et est encore, une référence en la matière de traje, comme le souligne Marc Thorel dans sa communication présentée au dernier colloque de l’Union des Bibliophiles Taurins de France ***. Une référence que souligne aussi Sandra Alvarez Molina, lorsque elle mentionne dans son étude « La corrida vue des gradins »****, les différentes parties d’une garde robe masculine de l’époque, portant l’emprunte de Mazzantini.

L’aficionado a los toros, trouvera intéressant à la lecture de ce roman, la façon dont est narrée la relation amoureuse entre Sarah Bernhard et Don Luis. Ce roman nous invite, dans quelques lignes intitulées « la corrida secrète du torero et de la diva », à ce qui a probablement créé un grand fantasme dans la bourgeoisie cubaine, lorsque la relation entre l’actrice française et le torero commença à s’ébruiter. Une relation qui toutefois n’est toujours pas avérée en l’état actuel des recherches. Cette partie du roman, qui disons le tout net, n’apporte aucun intérêt taurin, se voit écourtée de bien drôle de façon, mettant le lecteur dans l’attente de la suite de l’intrigue.

« Les anges jouent des maracas », n’est donc pas un roman tauromachique, mais bien un roman policier. Mais en cette saison hivernale pour l’aficionado a los toros européen, il offre une lecture agréable où les toros sont présents. Il permet aussi de sentir l’atmosphère cubaine de cette époque qui n’avait pas encore tourné le dos à la tauromachie. Une époque que nous n’avons pas l’habitude d’approcher dans les lectures taurines contemporaines, et qui au travers d’une intrigue, nous permet de découvrir et de redécouvrir les temps du maestro Luis Mazzantini.


* « Les anges jouent des maracas », Angel Tomás Gónzalez Ramos, éditions L’atinoir, juin 2009. Titre original « Los àngeles tocan maracas », 2008.
** « L’équerre, le compas, les toros », éditions CAIRN, mars 2009.
*** Voir un article précédent sur ces colonnes, à propos du numéro 48 de la revue de l’U.B.T.F., publié au mois de novembre 2009.**** « La corrida vue des gradins :afición et réception (1900-1940) », de Sandra Alvarez Molina. CREC, Université Paris III.