jeudi 11 mars 2010

The bullfighter and the lady.



C'est grâce à un film sur la tauromachie, que le réalisateur Budd Boetticher se voit aborder un autre monde cinématographique que celui des réalisations de séries B. En réalisant « The bullfighter and the lady », il entre dans le monde des Cinéastes. Devenu un réalisateur de renom, l'histoire retiendra aussi de lui des westerns célèbres comme « Sept hommes à abattre ».

Budd Boetticher fût aussi un grand passionné du Mexique et de tauromachie, et ce sont ces deux sujets dont il s'inspira pour film taurin, qui en 1952 recevra l'Oscar de la meilleur histoire originale. Une histoire dans laquelle Robert Stack interprète le rôle de Chuck Regan, un jeune américain qui se fascine pour la corrida de toros lors d'un voyage au Mexique, et qui sympathise avec une figura taurina interprétée par Gilbert Roland, qui est dit-on, lui-même fils de torero. C'est alors que le jeune homme est initié aux mystères taurins, tombe amoureux d'une belle jeune femme, Anita de la Vega, et parvient à cheminer vers la recherche de soi en allant à la rencontre de l'autre. Apprentissage, recherche de soi, recherche de l'autre aussi ou encore recherche de la figure paternelle et de l'ami, tout un cheminement que ne renierait pas des rituels de sociétés philosophiques.

Ayant une part autobiographique, ce film dans lequel il nous livre ses impressions mexicano-taurines, est pour les cinéphiles une renaissance pour le réalisateur. Il change de statut, mais aussi de nom, ce ne sera plus des films signés Oscar Boetticher Jr., mais Budd Boetticher.
Ce statut le verra cotoyer les plus grands, dont un monstre du cinéma acceptera de produire quelques unes de ses réalisations.

Parmi les acteurs fétiches de Budd Boetticher, l'on trouve Randolph Scott, avec lequel il collabora pas moins de sept fois. Homme profondément religieux, Randolph Scott était franc-maçon, membre d'une loge américaine affiilée au Rite d'York. Même si Randolph Scott n'était pas à l'affiche de ce film taurin, c'est un autre franc-maçon qui produisit « The bullfighter and the lady ». Le directeur de la société de production américaine Batjac, qui se nommait Marion Robert Morisson, plus connût sous l'apodo de John Wayne.

Pour que John Wayne devienne le producteur de ce film, et plus tard de « Sept homme à abattre », Budd Boetticher dut accepter un compromis assez contrariant. Il est dit que Wayne aima beaucoup le film, mais il décida de couper les séquences les plus documentaires, comme celle où Robert Stack se fait piétiner par le taureau ayant lui-même refusé d'être doublé. C'est à John Ford que fût confié le montage final. Boetticher admis très difficilement cette situation, car pour ce dernier, le film adoptait une forme plus conventionnelle. Chose qu'il ne démentira pas, puisque c'est la version augmentée de plusieurs minutes et qui sortira bien des années plus tard, qui aura la bénédiction du réalisateur.

Nous savons peu de choses sur le parcours maçonnique de John Wayne, il fût tout dabord actif dans l'association « Ordre de Molay », présentée comme une organisation de jeunesse liée à la franc-maçonnerie américaine. Initié en franc-maçonnerie, il fût membre de la loge « Marion Mc Daniel Lodge » à Tucson. Ensuite, il est dit qu'il rejoint lui aussi le Rite d'York, après avoir été membre de l'organisation Al Malaikah Shrine Temple, à Anaheim (Los Angeles). Un parcours collant parfaitement à une certaine mouvance de la franc-maçonnerie américaine, qui permit à cet anti-communiste militant et homme de convictions religieuses, d'être reçu au 32è degré du rite écossais.

En véritable passionné de tauromachie, Budd Boetticher réalisa un second film sur le sujet, « The Magnificient matador », en 1955 avec Anthony Quinn. Une quête pour l'art de Cuchares qu'il poursuivit à l'écran en 1968, il débutera le tournage d'un documentaire qui se voulait être au départ une fiction sur Manolo Aruzza. Un projet qui durera plusieurs années, et qui d'après les spécialistes, mettra un terme à la carrière de cinéaste de Budd Boetticher.

lundi 1 mars 2010

Luis Fernandez, un humaniste et le Minotaure.


Autant le préciser immédiatement afin de ne pas décevoir le lecteur assidu ou bien occasionnel de ces colonnes et intéressé par la peinture, il ne sera pas ici effectué une profonde analyse des oeuvres de Luis Fernandez (Oviedo 1900 – Paris 1973). Nous laisserons cela aux spécialistes des arts picturaux.

Mais si nous avons désiré aborder ce peintre et sculpteur en ce modeste blog, c'est pour deux raisons. Tout d'abord, parce que Luis Fernandez participa activement à une oeuvre signée de Pablo Picasso, dont les aficiondaos a los toros connaissent l'attrait pour la tauromachie. Les spécialistes des arts picturaux, voient dans les oeuvres de Luis Fernandez, une évidente inspiration de son ami Picasso. Les relations entre les deux hommes étaient bien réelles, comme le souligne l'épouse de l'artiste asturien, dans une lettre datant de 1995 à propos de leur collaboration. Collaboration qui dura une dizaine d'année, pendant laquelle notamment, Picasso sollicita en 1936 l'aide de son ami pour la réalisation du rideau de scène du Théâtre du Peuple, commandé par Jean Zay, franc-maçon alors ministre de l'éducation qui sera emprisonné et exécuté par la milice. Difficilement réalisable en un temps assez court, Picasso demanda à son ami Luis Fernandez de réaliser une esquisse de sa « Minotauromachie », série aussi intitulée « Pillage du Minotaure en costume d'Arlequin ». L'ensemble de cette commande est connu sous le titre « Le rideau de scène pour le quatorze juillet ».Une participation du peintre et sculpteur natif d'Oviedo, pour laquelle il fût obligé de dessiner et peindre à même le sol étant donné la taille de la toile. Une oeuvre que Picasso s'est contenté de souligner en noir les contours et de signer, tout en faisant remarquer dès que l'occasion lui en était donné, que c'était son ami Luis Fernandez qui en était l'auteur.

Etant donné l'implication de Luis Fernandez dans le projet, sa sincère amitié avec Pablo Picasso, nous pouvons penser que le peintre asturien participa grandement à l'influence du résultat final. Les spécialistes sont d'accord pour accorder une réelle influence de Don Pablo dans les oeuvres de son ami Don Luis, et rien n'interdit de penser que la réciprocité pourrait aussi être effective.

Et c'est ici que l'aficionado a los toros qui n'est pas insensible aux choses symboliques, est interpellé dans ce rideau de scène. En effet l'on s'aperçoit que la tête du Minotaure se situe au mitan de l'oeuvre, le plaçant ainsi le sujet au centre du monde. Ce Minotaure représenté tel un pantin désarticulé, n'est pas sans faire songer à la scène de la dramaturgie hiramique évoquée en franc-maçonnerie, ou la chair quitte les os, ou tout se désunis. Au delà du caractère morbide de la scène, les analystes de Pablo Picasso voient dans le personnage à la tête de faucon portant le Minotaure, des disproportions symétriques qu'ils qualifient de voulues par l'artiste. Les formes de gauche offrant, pour ses critiques, une vision de dynamisme, de légèreté, d'élévation, tandis que celles de droite renvoyant à la notion de pesanteur, de massivité, de raideur. Dans ce rideau de scène, encore des spécialistes perçoivent des allusions mythologiques, tauromachiques et personnelles de l'artiste. Nous remarquerons toutefois la triangulation formée par les trois têtes des personnages, mais aussi l'homme barbu brandissant une pierre. Serait-ce l'allégorie de la pierre brute, celle que l'être humain doit polir pour parfaire sa vie avant la mort ainsi représentée et que l'on trouve notamment dans tout le cheminement maçonnique ?

Le lecteur ou la lectrice qui s'arrête sur ces colonnes, doit légitimement s'interroger de cette perception du rideau de scène, et d'en ramener des éléments à une vision maçonnique. Si nous nous permettons cette approche, c'est que comme il a été écrit précédemment, Luis Frenandez participa activement à l'élaboration de l'oeuvre, et le peintre asturien était franc-maçon.

Il fût initié au Grand-Orient de France, le 24 janvier 1927 dans la loge parisienne « Fraternité ». Un engagement qu'il poursuivit jusqu'à ses derniers jours, et qui le vit en 1970 être nommé membre honoraire de son obédience. Ayant renoncé à tout engagement politique, l'artiste vivait son cheminement en franc-maçonnerie comme une simple satisfaction personnelle. Une individuation que les exégètes picturaux retrouvent dans sa peinture, mais aussi dans la fuite de toute reconnaissance publique, comme dans ses relations amicales. L'idéalisme ésotérique recherché dans sa peinture, Luis Fernandez le mentionne dès 1934, en affirmant qu'une forme géométrique ou bien un objet peuvent être exprimé par inadvertance, et fait référence à la pensée analogique comme magique. Il est aujourd'hui reconnu que son initiation en franc-maçonnerie a fortement influencé son oeuvre picturale, et lui-même reconnaissait son désir de l'apprentissage et du perfectionnement de son métier à l'image du travail en loge des francs-maçons. Mais une autre sensibilité maçonnique se fait ressentir, il s'agit du monde symbolique. Cette vision allégorique trouvera son point culminant à partir de 1953, avec la peinture d'une série de crânes ou de roses, symboles de renaissance mystique. Cette renaissance que l'on trouve dans la représentation du Minotaure en habit d'arlequin signé par Pablo Picasso.

Nous sommes conscient que évoquer une telle influence de la part de Luis Fernandez dans l'oeuvre de Picasso, peut sembler incongru, d'autant plus émanant d'un aficionado a los toros lambda, simplement curieux et attiré de façon basique vers certaines idées de mouvements philosophiques. Toutefois, ceci n'est pas plus déplacé que l'idée de penseurs des arts picturaux mentionnant que le peintre malageño n'avait aucunement conscience des parallélismes représentés dans le rideau, les classant même « d'étonnantes coïncidences ». Des coïncidences qui le sont peut être pas tant que cela, et qui pourraient provenir d'une vision différente, à savoir que pour cette oeuvre, Luis Fernandez apporta peut être à son ami signataire du rideau de scène bien plus que l'on ne croit.