dimanche 26 juillet 2009

Verticalité, horizontalité.


« Le torero est la ligne verticale, le taureau est la ligne horizontale ». Cette phrase écrite par Nadège Vidal dans son dernier livre « Une saison sans taureaux »*, n’est pas dénuée d’intérêt si l’on veut prendre le temps de s’y arrêter. Une phrase qui invite à réfléchir sur sa propre conception taurine, une réflexion qui pourrait passer pour une digression au regard de l’aficionado attiré par les seules réséñas et autres étalages de sciences taurines, mais pour peu que l’on aime et ose sortir des sentiers battus tauromachiques, l’on se rend compte que cette verticalité et cette horizontalité exprimées, reflètent bien un ressenti chez l’aficionado a los toros.
Il n’est pas besoin d’être un spécialiste du symbolisme et des figurations allégoriques afin de percevoir que l’association de la verticale et de l’horizontale représente une équerre, où le sommet de celle-ci se trouve figuré par le leurre, le capote, la muleta. L’équerre qui dans le symbolisme représente la rectitude dans l’action, ou encore l’espace, mais aussi l’action du bien dans l’intérêt des « frères » pour celle accrochée sur le sautoir du Vénérable Maître d’une loge maçonnique. Lorsque l’équerre est déséquilibrée, en forme de « L », elle représente l’activité et le dynamisme, a contrario, l’équerre dite équilibrée en forme de « T » symbolise l’actif et le passif. En résumé, elle est la représentation allégorique de la rectification et l’ordonnation de la matière.

Une équerre lorsqu’elle est multipliée par quatre, forme la croix, une croix entre autre symbole de religion. Est-ce par un toréo figurant l’équerre figée et donc indirectement la croix, que des toreros « modernes » deviennent des Dieux vivants de la religion taurine ?
Cette équerre représentée lors du toréo « tomasiste » actuellement de mode, possède la particularité non pas d’avoir le sommet par le seul leurre, malheureusement ramené à la simple muleta alors que toréer cela se réalise aussi de cape, mais un sommet de cette équerre allégorique trop souvent placé dans la chair. Ce qui permet au public mais aussi aux commentateurs taurins, de rendre compte des trophées éventuels et des coups de cornes reçus. Des blessures que l’on veut faire apparaître comme autant de gage de bon toréo chez les « modernes », alors que si l’on se remémore quelques bases taurines, l’on sait que lorsque le matador se fait accrocher, c’est quasiment toujours suite à une erreur de sa part.
Par sa verticalité et l’horizontalité du toro se trouvant face à lui, par cette équerre symbolique, les admirateurs du torero disent qu’il effectue de nouveaux tracés du toréo. L’équerre, symbole des constructeurs, lui permet d’édifier, une tauromachie dans des terrains jusqu’alors inconstructibles. Pourtant, l’on sait que toute construction bâtie sur des terrains impropres, a pour destinée de s’effondrer, même à long terme. Construire une tauromachie dite moderne, sur les bases inverses aux canons taurins, amène tout naturellement à l’effondrement des fondamentaux tauromachiques. N’ayant plus de repères, les nouvelles générations d’aficionados qui n’auront pas l’envie de lire le Tio Pepe par exemple, perdront à jamais cette perception de ce que doit être la corrida.

Alors que toréer est s’imposer à la matière brute du toro, de tailler cette matière pour en faire un chef d’œuvre tauromachique, alors que l’artisan amène la matière à lui sur son plan de travail, voilà que l’artisan taurin dit moderne veut maintenant aller à l’encontre des racines mêmes de son art. Il va vers la matière, le toro, et ne cherche pas à la faire venir à lui. Il est vrai que poser cette matière sur l’établie permet dans voir les moindres aspérités, d’avoir l’ensemble des outils a proximité et donc de démontrer que l’on excelle dans son art en ayant tout loisir de travailler à son aise. A l’inverse, celui qui travaille au sein de la carrière ne prenant pas la peine d’extraire davantage le minerai, ne se donne pas le temps d’observer, de se rendre compte des difficultés occasionnées lors de l’extraction et donc de la nature même de la pierre, de comprendre les aspérités qu’offre la matière. Il donne par contre l’impression d’une maîtrise technique, tout simplement parce qu’il n’effectue pas sa tâche comme les autres artisans. Mais ne pas faire comme les autres, afin de se donner un style et sembler ainsi être en dehors de la masse, n’est pas forcément un gage de qualité.

Pour être efficient dans son domaine, l’artisan doit manier les outils suivant des méthodes ancestrales. Aller contre cela, passer pour un pseudo révolutionnaire en proposant une « nouvelle » façon de créer, de bâtir une œuvre, masque parfois une incapacité à appliquer les bases mêmes de son Art. L’équerre symbolique figurée par la verticalité du torero et l’horizontalité du toro, doit avant tout de permettre l’exécution d’un tracé tauromachique s’imposant à la matière brute représentée par la nature elle même du bicho.
Dans le symbolisme justemment, l’équerre sert à mesurer la terre et à tracer le carré. Ce carré, d’où est issu le cercle comme le démontre si bien la construction de la spirale de l’escargot à la manière de Fibonacci. C’est à ce stade que l’équerre s’associe au compas, représenté par la position des pieds du matador. L’association équerre-compas effectuant le tracé de la courbe, créant ainsi les conditions pour dominer le toro, changer la nature rectiligne de sa charge naturelle afin de la rendre circulaire suivant la volonté de l’homme.

En Chine, l’équerre fût portée par Fu-Shi comme reflet de ses vertus magiques lui conférant un statut de sainteté. C’est pour cela qu’elle est devenue l’un des emblèmes de l’Empereur. Le torero voulant devenir un Empereur du monde tauromachique, doit avant tout maîtriser sa verticalité, l’horizontalité du toro, donc cette équerre symbolique, en respectant aussi les valeurs de probité et de justice qu’elle représente. Et pour cela, il lui faudra bâtir son œuvre suivant les règles de l’architecture taurine, savoir représenter une équerre en forme de « T »et non pas de « L » comme l’on a tendance à le voir trop souvent. Donner la bonne proportion aux branches de l’équerres, c’est savoir donner coordonner l’harmonie de la verticalité et de l’horizontalité, et donc respecter les fondements du toreo, de la lidia.


« Une saison sans taureaux » de Nadège Vidal, éditions Cairn, mars 2009. ISBN 978-2-35068-138-2.

lundi 20 juillet 2009

Tomber la chemise ?


La feria de Pamplona, qui célèbre son Saint en plein été alors que la fête réelle est en automne, est l’une des principales fêtes taurines de la temporada, de part ses particularités ainsi que sa position à moitié du calendrier taurin européen. De ses particularités, l’on retiendra celle de présenter des bichos au trapio impressionnant, mais celle consistant dans la singularité de son public. De réputation internationale, notamment suite à l’œuvre d’Ernest Hemingway, une multitude de nationalités se retrouvent tous les ans entre le 7 et le 14 juillet. Au-delà des différences, cette unité se créée autour de la fête du toro, même si les anti-taurins seront plus prompt à retenir le côté festif en le ramenant à une simple beuverie géante. Mais passons outre ces clichés, que seuls les esprits mal intentionnés aux désirs obscurantistes désirent généraliser, pour nous arrêter un instant sur un aspect des San Fermines et de son public.

Toute personne qui a entendue au moins une fois parler de la feria de Pamplona, sait que le matin est procédé au lâché des toros qui seront combattu le soir par les toreros, un encierro dont le parcours dans les rues de la cité navarraise se déroule immuablement du corral de Santo Domingo à la plaza de toros. Les encierros de Pamplona sont de réputation mondiale, l’on y a vu des toreros de renom le courir, d’Antonio Ordoñez à Luis-Francisco Esplá, en passant par Emilio Muñoz ou bien Francisco Rivera « Paquirri ».
Une autre image que retiendra l’observateur, est la tenue vestimentaire de ceux et celles venus célébrer San Fermin. Un pantalon blanc, un haut de la même couleur, le tout rehaussé d’un foulard rouge noué autour du coup. Du plus humble au plus illustre, du simple touriste à Madame le Maire en passant par l’aficionado a los toros, les participants à cette semaine de fête sont ainsi vêtus.

Le port d’une tenue vestimentaire à toujours fait l’objet d’intérêts, qu’ils soient approbateurs ou bien réprobateurs. Le vêtement servant à couvrir le corps, pris rapidement des orientations symboliques ou encore démonstratives. Des tenues mais aussi couleurs, réservées à quelques catégories sociales, afin de se reconnaître entre eux, voire pour cataloguer certains peuples. Des juifs, à qui dès 1269 il a été imposé le port d’un cercle jaune (la rouelle) qui fût repris sous une autre forme quelques siècles plus tard, aux styles des différentes jeunesses, le port du vêtement nous informe, nous parle, de la personnalité, de l’appartenance de celui ou celle qui le porte. Un vêtement, qu’il soit religieux ou laïque, permet de séparer l’homme de la nature, mais pas de sa nature. Une séparation de La nature, car l’homme né nu, et dès la naissance on lui fait porter un vêtement, ce qui est considéré comme un premier acte de civilisation dans notre culture occidentale. Mais l’être humain n’est pas séparé de Sa nature, car le vêtement qui a évolué tout au long de l’histoire, évolue aussi avec celui ou celle qui le porte.

Le vêtement est un élément qui cache et qui montre, de sa fonction érotique et ce bien avant Tamar qui séduit Juda avec son voile de séduction, à celle d’élément constitutif de groupe humain. C’est en ce sens que l’ensemble des mouvements religieux ou bien philosophiques attachent énormément d’importance aux vêtements. Afin de poursuivre la ligne directrice de ces colonnes, et qui semble en faire tout l’intérêt des visiteurs assidus de plus en plus nombreux, il est intéressant de noter qu’un mouvement philosophique comme la franc-maçonnerie, accorde une grande place au vêtement. Une importance frisant parfois avec l’orthodoxie concernant le port du costume sombre, de la chemise blanche et de la cravate. Mais hormis cet aspect provenant d’un dogmatisme issue du monde profane, le vêtement dans la symbolique de la franc-maçonnerie, est surtout le tablier accompagné des gants voire du cordon à partir du troisième degré. Se vêtir de la sorte peut paraître désuet à notre époque, pourtant ce qui ne porte à aucune critique lorsqu’il s’agit de confréries gastronomiques ou viticoles, prête à sarcasmes lorsqu’il s’agit de la franc-maçonnerie. Même si la tenue d’une confrérie peut avoir une connotation « folklorique » aux yeux du quidam, elle possède toute son importance dans sa portée rituélique et symbolique, à l’identique de ce que pratiquent les francs-maçons. Si pour quelques uns le tablier et les gants sont à arborer comme les décorations militaires, pour la majeure partie des protagonistes maçonniques, ce vêtement est nécessaire à l’interprétation, l’imprégnation du rite. Le port du vêtement fait parti des gestes préliminaires pour la préparation, la mise en place de ce dernier.

En ce sens, même si cela doit déplaire à une catégorie de passionnés taurins, nous autres aficionados a los toros, partageons cet aspect avec les mouvements religieux et philosophiques et donc la franc-maçonnerie. Nous sommes intéressés par le vêtement, et pas seulement par l’attention esthétique ou bien technique de la réalisation du traje de luce des toreros. Cet intérêt est fortement visible sur les tendidos, où se retrouve un fort pourcentage de personnes arborant soit une chemise à connotation camarguaise ou aux représentations taurines, soit une tenue dérivée de la tradition pamplonaise, ceci sans compter de quelques dames porteuses de coiffes ou robes de mouvances andalouses. Parmi ce monde amateur de corrida, l’on rencontre des personnes qui jouent, voire parfois se jouent, un rôle, celui de l’aficionado. Il ne faut pas entendre ici le verbe jouer avec une notion péjorative, mais bien dans le sens d’interpréter.

Car pour apprécier la tauromachie, ou tout du moins la corrida, certains ont besoins d’interpréter l’aficionado. Ceci afin de se sentir appartenir à un groupe, une uniformité d’agir et de penser recherchée, car rassurante devant les incertitudes de la vie. Mais aussi une interprétation requise à l’image de ce qui vient d’être évoqué concernant les confréries, mouvements religieux ou encore philosophiques, où l’amateur de corrida éprouve ce besoin d’imprégnation et d’interprétation du rite taurin qu’il traduit par le port d’un vêtement particulier pour la circonstance. A l’opposé, l’on trouve des aficionados a los toros qui n’éprouvent aucunement ce besoin de changement vestimentaire pour se rendre aux arènes. Afin de s’imprégner et d’interpréter le rite auquel ils vont assister, ils effectuent une démarche simplement intellectuelle, cette seule démarche leur suffit pour réaliser l’acte taurin. Les soucis, interrogations et autres métaux extra-tauromachiques sont laissés à la porte temple taurin, sans artifices vestimentaires.

Il n’est pas question ici de désigner un comportement plus inapproprié que l’autre, si ce n’est la « dangerosité » de l’accoutrement vestimentaire lorsque ce dernier n’est effectué qu’avec le seul souci de se sentir appartenir au groupe. Car le résultat insidieusement obtenu, est de gommer la personnalité propre, de vivre à travers l’image des autres sans prendre cas de sa propre personne. Un peu comme, même si c’est dans un autre registre, cet aficionado chevronné croisé à au stand d’un libraire aux abords des arènes de Céret, qui donnant son avis sur un livre en pointant l’objet de son index vengeur, affirme « Il paraît que ce n’est pas bien ». Livrant sa sentence à ses amis sans que jamais ceux-ci ne lui fassent remarquer que sa critique était impersonnelle et simplement basée sur le « il paraît que » comme d’autres ne s’expriment que par des « On m’a dit que » où ne faisant qu’étaler des citations d’autrui. Devant une telle attitude impersonnelle, il est a espérer que cet aficionado chevronné, qui était en compagnie d’un rédacteur de la doyenne des revues taurines, ne s’exprime pas dans ces colonnes. C’est donc cela que l’aficionado doit éviter, en s’interrogeant sur la manière dont il s’approprie le vêtement avec lequel il se rend aux arènes.

Le vêtement que nous aficionados a los toros portons pour aller sur les tendidos, doit avant tout correspondre à ce que nous sommes, et non pas nous formater vis-à-vis de la masse, un peu comme ces francs-maçons réfractaires à une certaine orthodoxie vestimentaire qui gomme les personnalités. Etre soi-même, afin que le pouvoir ne prenne pas l’imagination, c’est ainsi libre que notre intellect s’imprègnera et communiera correctement avec le rite taurin.

mardi 14 juillet 2009

Taurophobie, 3è et dernière partie.


Afin d’en terminer avec les propos sur la taurophobie juxtaposée avec la maçonnophobie, démarche entreprise depuis le 4 juin avec deux articles précédemment publiés sur ces colonnes, il semblait intéressant de s’arrêter rapidement sur une ultime curiosité idéologique.

Parmi les anti-taurins connus mais aussi anonymes, l’on en trouve aux sensibilités libertaires voire totalement anarchistes, qui ne contestent nullement les parodies de procès comme celle présentée dans le dernier texte traitant de l’anti-taurinisme primaire. Ces réfractaires à toutes formes de justice étatique, acceptent sans mot dire que leur combat puisse se réfugier à l’ombre d’un tribunal, mais aussi à l’abris de propositions de lois pour que la tauromachie soit interdite, alors qu’en d’autres termes ils crient haut et fort qu’ils rejettent les lois. Ils en appellent au législateur, pour lequel ils ne prennent même pas le temps de ce déplacer pour aller voter en d’autres circonstances.
Ces « amoureux » des libertés, qui sont souvent vus dans des manifestations pour la défense des intérêts régionaux, pour la valorisation des langues minoritaires, pour les reconnaissances des particularismes des régions, se contredisent en soutenant des actions contre la corrida. La corrida qui en France, fait partie intégrante d’un particularisme régional, et par conséquent, qui devrait être défendue sur le fond par ceux et celles qui militent pour faire reconnaître et vivre en toute liberté les régions.

Dans la même veine, aimant ainsi s’en prendre à ce qui n’est pas comme eux, désireux de détourner à leur profit le moindre sujet, des libertaires n’hésitent pas à qualifier l’engagement maçonnique de leurs illustres aînés véritablement humanistes que sont Bakounine, Proudhon, Louise Michel, comme n’ayant été le fait que de quelques « têtes d’affiches » du mouvement anarchiste n’ayant pas eut vraiment le choix pour ce qu’il en était de trouver quelques havres de paix et un minimum de solidarité susceptible de desserrer d’un cran le nœud coulant d’une répression particulièrement féroce, comme il est écrit dans un article publié dans la revue « l’émancipation syndicale et pédagogique » au mois de février 2007.
Prenant exemple d’un événement survenu à Saragosse en 1936 lors de la guerre d’Espagne, où un franc-maçon pacifiste de la C.N.T. prit langue avec un général factieux franc-maçon, et qui découla sur la tuerie de 15 000 militants libertaires, l’auteur de cet article conclue son exposé en précisant que plus que jamais, il est donc nécessaire de clamer haut et fort : « ni dieu, ni maître, ni franc-maçonnerie ».
Comme le fait l’auteur du cours d’anti-tauromachie évoqué ici-même il y a quelques semaines, texte dans lequel le monde taurin est qualifié de proche des régimes totalitaires avec pour simple exemple une photographie sortie de son contexte historique, pour un acte qui a malheureusement engendré une tuerie humaine la sentence contre les francs-maçons tombe, ferme et définitive, sans appel.

A cette idéologie libertaire, anarchiste, qui dans ses fondements est réellement humaniste, comme le démontra l’ancien novillero et militant anarchiste Melchor Rodriguez, il ne faut pas oublier un autre courant de pensée où l’on retrouve des personnalités hostiles à la tauromachie, et dont l’idéologie politique l’est aussi envers la franc-maçonnerie. Il s’agit de la pensée communiste.

Léon Trotsky évoqua parfaitement en 1922 l’animosité qu’il éprouve envers les francs-maçons, offrant à ses « camarades » une perception toute personnelle du sujet édictée en véritable dogme. Pour le leader du courant qui portera son nom, la franc-maçonnerie n’est en somme qu’une contrefaçon petite bourgeoise du catholicisme féodal par ses racines historiques. Il l’accuse d’être une partie non officielle, mais extrêmement importante, du régime bourgeois, affirmant aussi que les loges étouffent et souillent les âmes au nom de la fraternité. Faisant preuve d’une grande intolérance envers ses camarades, Trotsky écrit qu’ils peuvent rougir de honte en apprenant que dans les rangs d’un Parti Communiste il y a des gens qui complètent l’idée de la dictature du prolétariat par la fraternisation dans les tenues maçonniques avec les dissidents, les radicaux, les avocats et les banquiers. Allant jusqu’à conclure son intervention en affirmant que la franc-maçonnerie est une plaie mauvaise sur le corps du communisme français. Il faut la marquer au fer rouge. Cette dernière phrase aurait-elle suggérée une idée aux protecteurs animaliers anglais radicaux, qui ont marqués au fer rouge de leurs initiales associatives un journaliste qui enquêtait sur leurs pratiques ?

Mais là où cette aversion de la franc-maçonnerie trouve à merveille son pendant dans la cause anti-taurine, est lorsque Léon Trotsky souhaite qu’une lame impitoyable tranche une fois pour toute les liens politiques, philosophiques, moraux et mystiques qui rattachent encore la tête de son Parti aux organes déclarés ou masqués de la démocratie bourgeoise, à ses loges, à ses ligues, à sa presse. Si ce coup d’épée laisse par delà les murs de notre Parti quelques centaines et même quelques milliers de cadavres politiques, tant pis pour eux . Afin d’imposer son point de vue, le leader trotskyste en appelle à la guerre fratricide. Ceci au même titre que les mouvements de protections animaliers composés de militants de toutes sensibilités politiques dont bon nombre aux idéaux d’extrême gauche, ne sont pas gênés par la perte d’animaux du moment où d’autres sont sauvés, comme cela fût observé lors d’une intervention contre la chasse à courre en France pendant l’année 2007 et lors de laquelle des chiens d’équipages sont morts de chaleur dans les camions bloqués par les militants animaliers. Les « amis » des animaux ne s’en sont pas émus, dès l’instant où un chevreuil en ce cas précis, fût « sauvé » par eux comme ils ont pu l’affirmer devant les caméras de télévision.

Tout comme Léon Trotsky s’en prenait avec forte violence et proférait un enseignement dogmatique contre la franc-maçonnerie, ses descendants idéologiques d’aujourd’hui s’en prennent aussi aux aficionados qui sont moins nombreux et donc plus faciles à combattre que leurs adversaires directs prônant haut et fort le capitalisme. En fustigeant la franc-maçonnerie, Trotsky ne faisait qu’ouvrir un parapluie politique vis à vis d’une éventuelle mise en échec de son système de pensée. De nos jours, les descendants idéologiques des dignitaires de la pensée communiste s’attaquants à la tauromachie, évitent de la sorte de mettre en lumière l’échec de leur idéal politique qui n’a pas réussi à protéger l’Homme face au capitalisme.

Des élus du PCF, au nombre de trois, par une proposition de loi déposée au mois de décembre 2007, ont demandé à ce que l’accès aux arènes où tout autre lieu où est organisée une course de taureaux comportant la mise à mort d’un animal, est interdit aux mineurs de mois de quinze ans. Pendant que les trois personnalités communistes issus de départements non imprégnés de tradition taurine, puisque élus en Seine-Saint-Denis, Nord et la Seine-Maritime, passent leur temps, leur énergie à vouloir légiférer contre la tauromachie qui ne concerne pas leurs départements respectifs, ils ne peuvent être pleinement acteurs afin de résoudre les problèmes rencontrés au sein de leurs circonscriptions. Mais avant de s’en prendre aux corridas qui ne se déroulent pas dans leurs régions, n’y a-t-il pas plus grave à combattre pour eux, n’y a-t-il pas mieux à faire pour aider les jeunes en difficultés dans leurs départements, que de vouloir interdire l’entrée d’un spectacle donné loin de leurs contrées ?

A la lecture des trois textes proposés ici-même depuis le 4 juin, il est donc aisé de constater qu’existe un fort lien entre la franc-maçonnerie et de la tauromachie concernant les attaques dont elles ont été respectivement les cibles dans le passé, mais aussi encore de nos jours. Outre les maintenant traditionnelles accusations communes de secte, maffia et autre qualifications, il convient de constater que ce qui fait l’un des fonds de commerce des maçonnophobes et des taurophobes, ne trouve sa motricité que dans l’ordre du fantasme collectif.

Le fantasme, dénominateur commun des structures des l’idéologies anti-maçonnique et anti-taurines, qui, il faut bien l’avouer, arrivent sans peine à endoctriner le quidam peu soucieux de rechercher Sa Vérité. Car il est bien plus facile et bien moins fatiguant de boire les paroles des autres, que chercher à comprendre sans travailler soi même à minima, à l’édification de ses idéaux. Les adversaires les plus virulents de la franc-maçonnerie mais aussi ceux de la tauromachie, l’ont bien compris depuis fort longtemps, et tant que le fantasme aura une influence sur les esprits peux soucieux de vérités, leurs actions perdureront.

Il est à noter que ces affirmations diffusées sur le net il y à plusieurs mois et prêtées au torero Rafael Jimenez « Chiquilin » après qu’il est annoncé qu’il ne voulait plus combattre les taureaux parce que grâce à son chien il a aperçu l’amour des bêtes, ont toutes été agrémentées de commentaires parlant de repentance de la part du torero. Nous retrouvons la notion de bien et de mal qui amène l’homme à devoir se repentir, notion chère aux moralisateurs dogmatiques, qui estiment être eux seuls dans le droit chemin.
Tout comme la franc-maçonnerie est combattue par les Eglises, les adversaires de la tauromachie calquent leurs attitudes sur le dogme de leur religion de la nature, sans laisser de place aux autres sensibilités. Pour eux l’amour des animaux est absent des cœurs des aficionados, ils pensent être les seuls détenteurs d’une réelle sensibilité envers les espèces animales. Pour qu’un aficionado ou un torero trouve grâce à leurs yeux, seuls des actes de repentances comme celui de « Chiquilin » sont concevables. Une repentance, qui pour être complète, doit passer par un rejet total de la « souffrance animale » qu’engendre une alimentation carnée. Pour entrer dans le droit chemin, leur droit chemin, ils invitent et incitent fortement à se nourrir de façon végétales, à devenir végétariens voir végétaliens, comme ils le profèrent sur de nombreux sites ou autres forums accessibles sur la toile, car pour les « naturolatres », la salade ainsi que les autres végétaux ne démontrent pas de souffrance lorsqu’ils sont arrachés.

La franc-maçonnerie n’échappe par à la règle de repentance, d’anciens francs-maçons s’expriment sur le net comme si ils devaient expier une faute, une honte, en rejetant le mouvement philosophique auquel ils ont pourtant adhérés de nombreuses années et dont ils ont eu pour certains, des responsabilités. Ces ex francs-maçons invitent le quidam à ne surtout pas approcher les « frères », et à leurs anciens amis, de fuir le mouvement. Ces actes de repentances sont bien entendue repris par les adversaires de la franc-maçonnerie, d’autant plus apprécié par une partie des anti-maçons, lorsque ces actes de repentances passent par le message de l’Evangile.


Ce rapide tour d’horizon débuté par un premier texte publié sur ces colonnes le 4 juin, augmenté par un second le 21 du même mois, permet de constater les lignes directrices communes empruntées par les différents contempteurs que peuvent avoir en commun les francs-maçons et les aficionados. Mensonges, fantasmes, haine, sont le flot quotidien des attaques portées contre les aficionados, dans la pure tradition populiste déployée par les adversaires des francs-maçons, qu’ils soient de sensibilités politiques de droite comme de gauche. Le lecteur assidu ou bien occasionnel de ce blog, aura tout le loisir si il le souhaite, d’approfondir cet aperçu de l’anti-maçonnisme et de la taurophobie, les documents sur la toile ainsi que les livres ne manquent pas. Afin de mieux cerner ce que peut cacher la taurophobie que nous aficionados a los toros rencontrons de plus en plus souvent, il paraissait intéressant et important de prendre le temps d’effectuer cette juxtaposition idéologique lors de ces trois textes, afin de démontrer les similitudes qui peuvent exister entre deux sujets qui ne laissent pas indifférent, et ainsi de mieux comprendre ce qu'il peut se cacher derrière certains idéaux sociétaux.

jeudi 2 juillet 2009

LIEUX INTEMPORELS


Un idéal prend réellement force et vigueur, lorsqu’il est possible de communier autour des actes et des valeurs qu’il représente en quelques endroits où l’on se trouve. Pour cela, il ne faut pas que ces actes et valeurs puissent se vivrent en un lieu de célébration défini, mais que l’endroit soit bien intemporel. Si il existe un idéal possédant encore cette dimension dans notre société, et dont la célébration symbolique et rituélique entre dans ce cadre, il s’agit bien de la tauromachie.

Comme chacun le sait, le lieu cérémoniel de la célébration du culte du toro, se trouve dans une arène construite à cet effet. Une arène dont la structure reste fixe à longueur d’année, une plaza de toros mais aussi des placitas aménagées ponctuellement. Ce qui fait une plaza de toros, n’est pas tant l’édifice en lui-même, mais bien ce qui le créé et en reflète l’esprit. Une arène, même antique, dépourvu des traditionnelles barrières de bois, de la piste en sable, de quelques portes de toril et cuadrilla, ne fera pas frémir l’émotion taurine de l’aficionado a los toros. Il pourra ressentir une sensation à la vue de la structure et de ce qu’elle représente aux yeux de l’histoire, mais très certainement pas un sentiment taurin.

Afin de permettre l’expression de l’égrégor émanant de la foule humaine créant, grâce à sa particularité, une osmose humaine vis-à-vis de l’acte, la fibre tauromachique doit se dégager du lieu. Cette fibre ne s’inscrit pas dans les murs d’un bâtiment, mais dans le déroulement de l’acte taurin, se structurant et se consolidant à partir de la cérémonie d’ouverture. Toute prestation tauromachique se voit dotée de ce cérémonial, le paseo bien entendu, mais aussi l’installation des protagonistes même lors de la plus petite capea. Car même sous une apparence parfois anarchique, les acteurs d’une capea suivent bien un rituel d’ouverture.

S’intéresser à la culture et l’histoire méridionale, permet de comprendre comment la tradition tauromachique a pris racine, mais aussi de percevoir que l’ensemble des terres taurines françaises ont souvent offertes un bon accueil, et ce dès leurs apparitions, aux croyances ou philosophies pouvant ce vivre dans des lieux intemporels. La plus célèbre des ces religions, fût celle de l’église Cathare, qu’une autre église qualifia d’hérétique, et qui sous ce prétexte, en profita pour annexer les terres occitanes au royaume de France il y a 800 ans. La religion Cathare refusait le luxe mais aussi les lieux de cultes, elle était composée de deux rites, le méliorament et l’endura, ainsi que d’une cérémonie, le consolament. Cette dernière se réalisait dans un lieu discret, sanctuarisé pour l’occasion.

Si la religion Cathare n’a pas survécu aux persécutions, du moins dans sa forme originelle puisque certains s’évertuent à faire vivre un prétendu esprit cathare et donc réalisent l’interprétation d’un culte longtemps interrompu et à la mémoire véritable perdue, d’autres courants aux célébrations intemporelles ce sont bien ancrés dans les terres méridionales. Poursuivant l’esprit qui a motivé la mise en ligne de ce blog, il convient donc de s’arrêter sur l’un de ces courants philosophiques qui pris racine dans le midi dès son arrivée en France dans le premier tiers du XVIIIè siècle, la franc-maçonnerie.

A l’identique des corridas de toros, une réunion de francs-maçons se déroule dans un lieu dénommé « temple » au cœur d’un édifice construit à cet effet par raisons de commodités. Commodités contemporaines, mais aussi soucis de discrétion, car à l’origine, les assemblées se réunissaient dans les arrières salles de tavernes anglaises. Dans le temple se réunit une loge, composée de francs-maçons et de francs-maçonnes. Comme pour la corrida où l’arène est le temple, les toreros différents à chacune des courses sont comparables au francs-maçons qui diffèrent d’une loge à l’autre. La loge se constitue grâce à un cérémoniel d’ouverture ritualisé, qui permet de positionner les différents outils symboliques nécessaires à l’harmonie et à l’égrégor.

L’exemple contemporain le plus marquant de cette intemporalité d’une loge et dans laquelle l’harmonie se propagea, est l’histoire de la loge « Liberté Chérie », constituée dans le baraquement numéro 6 du camp de concentration Emslandlager VII de Esterwegen. Sept prisonniers de nationalités belges et surtout francs-maçons, ont le 15 novembre 1943, créé une loge maçonnique en ce lieu de mort. Une loge qui initia même un autre prisonnier, et qui travailla sous la couverture de prêtres catholiques eux aussi retenus par les nazis, qui surveillaient le baraquement pendant le déroulement des réunions. Les divers témoignages rapportent que les sujets abordés étaient de l’ordre de ceux étudiés dans toute loge, sociétaux comme philosophiques. Le rituel était des plus simples et se déroulaient autour d’une table. Rien à voir donc avec certains édifices maçonniques démesurément grands, et de quelques décors plus rutilants que les rues d’une grande ville à la période de Noël. Cette loge créée dans de terribles conditions, a pu vivre grâce à la volonté humaine dans un lieu éphémère, effacé après chaque réunion, mais dont les protagonistes ont donné force et vigueur.

La religion Cathare en son temps, la franc-maçonnerie et la tauromachie depuis leur avènement,, se vivent, se réalisent en un endroit sacralisé mais éphémère. Les arènes sont rendues aptes à célébrer le combat entre l’homme et le toro, par un rite de sanctification qui prend force et vigueur dès l’entrée des différents acteurs, et sous l’accompagnement des spectateurs. Car rendre un lieu sacré afin de réaliser le rite, ne peut se faire sans l’ensemble des individus, ainsi tous acteurs de l’égrégor.
Même si l’aspect initiatique des aficionados a los toros pour qui la tauromachie n’est pas que le seul fait de voir une corrida, fait de plus en plus souvent défaut sur les tendidos, la réunion des acteurs arrive encore à offrir un caractère sacré au déroulement du combat. La part importante, comme l’affirment certains exégètes des mouvements philosophiques, en étant le rituel, qui contribue à révéler à la pleine lumière le caractère intérieur, spirituel et spéculatif, ceci étant valable pour le temple moral, et applicable au temple religieux, philosophique mais encore taurin.

Une fois le rite accompli, le temple, l’arène, redeviennent des endroits insignifiants, qui pourraient accueillir tout genre de manifestation. Ces lieux éphémères retournent à leurs sens premiers en attendant la prochaine célébration, qui l’espace d’un temps mesuré, redeviendra sacré.