vendredi 29 mai 2009

L'initié taurin.


Nous vivons malheureusement dans une société où tout doit être dévoilé, tout doit être connu sur son voisin où ami, mais encore collègue de travail. Ceci pouvant aller jusqu’à s’immiscer dans la vie de l’autre, afin de parfois le traîner dans la bouyáco*. Ce désir de tout savoir et de tout livrer sur l’autre, va des opinions politiques, religieuses ou philosophiques, mais aussi à propos de son choix de vie, et nous amène jusqu’à ces politiciens qui vendent dans leurs biographies, leurs orientations sexuelles hors de la norme prônée par la bonne morale sociétale. Alors que celles-ci ne regardent que leurs seules sphères privées et surtout pas leurs concitoyens, du moment que cela n’altère en rien leurs probités professionnelles. A une époque ou cette pseudo transparence n’est qu’un voyeurisme mal placé, renforcé par la culpabilité sociétale actuellement à la mode sur laquelle appuie en nous la ressassant à longueur de temps la fibre écologico-animalitaire, lorsque l’on évoque sa curiosité, son intérêt pour des mouvements ou sociétés initiatiques, les regards se font interrogatifs voire suspicieux.

Dans la pensée collective, initiatique, initié, renvoie au secret, aux mystères, dans le sens vulgarisé de leurs significations. Hors, une initiation se veut être une première étape, un fondement de départ, dans un parcours par lequel l’Homme cherche à se rapprocher d’un idéal, d’une conception de la Vie. L’initiation, qui remonte aux prémices du chamanisme, fait appel à différents paramètres, dont celui de vivre une nouvelle naissance de l’état psychique, spirituel, tout en gardant son aspect physique. Ceci à de difficile, que se voyant tous les jours, le passé ne peut être totalement effacé de l’esprit, puisque le reflet renvoie l’initié face à lui-même et à ce qu’il a été. La difficulté, l’ampleur de la tâche pour lui, est de trouver les outils de réflexions qui lui permettront de ne pas nier et renier ce qu’il a été, afin qu’il s’en serve comme d’une force, à l’image de ce qui est développé par les
arts martiaux, et de s’améliorer intérieurement afin d’en retirer profit et joie. Joie de se sentir capable d’apprendre, d’évoluer, de surpasser les dogmes sociétaux, d’être ainsi perfectible. Profit non pas financier, mais intellectuel, car se sentant meilleur, étant meilleur, l’entourage en est aussi pleinement bénéficiaire.

A en croire certains, être aficionado a los toros et s’intéresser à quelques mouvements initiatiques en particuliers, n’est qu’un grand écart culturel et sémantique puisqu’il paraît impossible aux yeux de quelques uns d’associer un courant de pensée qui œuvre depuis plus de deux siècles, pour un monde plus beau et plus juste et la mise à mort ritualisée d’un bovin mâle qui est innocent par nature, comme cela me l’a été reproché lors d’ une critique émise sur un blog, suite à la parution de « L’équerre, le compas, les toros ». Pourtant, à y regarder, si il y a bien un point commun que l’on trouve entre un mouvement initiatique et la tauromachie, c’est que le simple spectateur d’une corrida ou bien l’aficionado a los toros, est initié, tout comme peuvent l’être les membres de sociétés initiatiques.

Ecrivant cela, parmi ces derniers quelques uns vont peut-être bondir, surtout si ils ne sont réfractaires à la cause taurine. Mais aussi, les réactions pourront être émises par des aficionados, pour lesquels les mouvements initiatiques, allant des plus connus à ceux moins abordés comme les ésotérismes religieux, ne sont que billevesées. Pourtant, rares sont ceux ou celles qui arrivent à la corrida sans avoir été accompagnés, cooptés, par une tierce personne. L’aficionado a los toros est toujours parrainé par quelqu’un, un ami, un membre de la famille. Il est peu fréquent de trouver un amateur de corrida venu seul aux arènes, les exceptions existent, mais de l’ordre d’un faible pourcentage, tout comme cela se passe dans la démarche en quête d’une initiation.

A mesure de sa découverte de la corrida, il ou elle va emprunter un cheminement qui mènera vers l’état d’initié ou bien d’un initié. Pour cela, tout dépendra de sa sensibilité et de son désir d’aller plus en avant dans la connaissance de l’art de Cuchares.
Un aspect est toutefois rarement abordé lorsqu’il est évoqué l’état de l’initié, et qui se révèle quelques temps après avoir découvert le chemin, un temps pouvant s’échelonner de quelques mois à plusieurs années, ceci suivant la sensibilité de chacun. Cet aspect rarement abordé fait parti de l’intime, et l’on remarque qu’il est assez difficile d’en parler car l’initié lui-même possède des difficultés à l’avouer voire se l’avouer. Il arrive, et plus fréquemment qu’on ne le croît, que l’initié interrompe le processus initiatique, qui, faut-il le préciser, se poursuit tout au long de la vie. Une interruption non pas de celle qui fait que le postulant ayant été reçu dans le cercle, veuille le quitter physiquement. Simplement, si l’on peut dire, il arrive que l’initié éprouve la nécessité de stopper psychologiquement, spirituellement, ou bien intellectuellement sa démarche. Il est initié, mais ne passe pas le stade qui pourra le mener à être Un Initié, à savoir qu’il éprouve des réticences plus ou moins inconscientes à approfondir sa démarche. Et ceci, on le remarque dans les mouvements initiatiques, lors de parcours individuels par lesquels des personnes ayant eu accès aux premiers instants de l’initiation, n’iront jamais plus loin dans leurs recherches. Tout en restant membre du mouvement initiatique dans lequel il a voulu entrer, il arrive que le candidat maintenant pleinement acteur de sa démarche, n’aille pas plus loin que les outils qui lui ont été proposés, ne voulant pas travailler sa pierre avec ses propres outils.
L’on remarque aussi cet état de fait dans notre passion pour les toros. Qu’il n’y est pas de malentendu, autant il peut être difficile à comprendre qu’un candidat ayant voulu être membre d’un mouvement initiatique, ne travaille pas plus à même sur son amélioration, autant pour un aficionado cela est plus compréhensible. Même si la démarche est symboliquement identique, intellectuellement elle peut être différente puisque la matière de la réflexion est autre. Quoi que…
Etre initié à la corrida, signifie avoir accès aux bases, aux fondamentaux qui sont le socle de notre afición, qui sont aussi les secrets permettant de bien cerner le sens du combat entre l’homme et le taureau. Car être initié n’exprime pas forcément pour la personne, le désir d’en savoir plus que ce qui lui a été permis de découvrir. Désireux d’en rester à ce simple fait de savoir taurin, l’aficionado restera initié à la corrida, même si par la suite, il ne se rend plus aux arènes que plus où moins régulièrement. Il aura connu les premiers pas tauromachiques, et cela est une épreuve indélébile.
Devenir un initié à la tauromachie, est tout autre chose et cela s’exprime pour l’aficionado, par son désir de recherche d’amélioration des connaissances dans ce domaine. Contrairement aux différents rites qui accompagnent une initiation, il n’y a aucun passage physique apparenté à la tauromachie, tout du moins concernant l’aficionado. La transformation se fait sur les « simples » aspects qui se rapportent au mental et à la symbolique. Un initié est quelqu’un qui cherchera à travers les divers outils de réflexions et de connaissance, afin d’aller plus loin dans les différents aspects de l’art de Cuchares. Pour cela, et comme pour toute initiation, l’aficionado aura laissé mourir une part de lui-même, afin de renaître à cette vie que l’on pourrait qualifier de Torera, il aura quitté le profane pour cheminer vers le sacré de l’art taurin. Il connaît la mort allégorique à la vie précédente, qui était sans les toros, et il connaît la renaissance dans le monde de ces derniers.

Penser et écrire cela, peut laisser perplexe le lecteur qui s’attarde sur ces colonnes. Mais c’est ainsi que des aficionados, peut être atypiques et qui n’ont pour seul désir que de vivre suivant leurs propres ressentis, sensations et émotions, en fuyant l’appropriation des pensées toutes faites qui émanent d’autres, ressentent cette part de la pensée et de la symbolique tauromachique.


*Boue liquide, en Occitan.

dimanche 24 mai 2009

Melchor Rodriguez, militant anarchiste et novillero.


Quitte à décevoir une fois de plus les contempteurs de la tauromachie, pour qui il est de mode d’affirmer que la corrida eut une grande collusion avec le régime franquiste, mais aussi que les gens des arènes ainsi que les aficionados a los toros n’ont pas de cœurs, les personnages taurins qui eurent (ont) un comportement Humanistes furent (sont) bien plus nombreux qu’ils ne le croient. Parmi ceux qui s’engagèrent pour une cause où l’Homme était au centre de leurs actions, il y eut Melchor Rodriguez.

Dans son livre « Le temps de Franco »*, Michel del Castillo mentionne que cet anarchiste, natif du quartier sévillan de Triana, dans lequel il vît le jour en 1893, fût aussi novillero. Invité par cette information à s’arrêter plus particulièrement sur cet homme, l’on apprend au fil des lectures, qu’à ses dix ans, lui et ses deux frères voient leur père mourir dans un accident du travail, alors qu’il était machiniste au port de Séville. Devant apprendre un métier, il finit par choisir celui de carrossier après s’être essayé comme chaudronnier, tout en rêvant d’être torero pour fuir la misère.

Allant de capeas en tentaderos, il se présenta comme novillero à Sanlucar de Barrameda le 5 septembre 1915, devant des toros de Garcia de la Lama, avec comme compagnon de cartel Antonio Garcia « Bombita IV ». Il toréa dans diverses arènes, fût très vaillant et connue les sorties à hombros. Toutefois, le Cossio précise que malgré ses qualités de volonté et de courage, il alterna son activité avec celle de banderillero. Un geste qui exprime toute la valeur humaine du personnage, capable de passer des envies de fonctions les plus illustres, à mettre en pratique celles des plus humbles.
Mais si la carrière de Melchor Rodriguez n’alla pas jusqu’au stade de l’alternative, c’est entre autre qu’il fût durement châtié par la corne. L’une des plus importantes blessures qu’il subit, survînt en la plaza de Tetuán de las Victorias (Madrid) le 4 août 1918, infligée par un novillo de Montoya. Le Cossio rapporte qu’après avoir banderillé son premier adversaire avec des paires courtes mais aussi étant assis sur une chaise, son second opposant le blessa par un grave coup de corne. Cette cogida lui valut plus de deux mois d’hospitalisation. Notre novillero, dont les prémices de l’anarchisme pointaient déjà, connût ensuite la plus grave blessure de sa carrière à Santiponce (Sevilla), et paya aussi le prix du sang, entre autre dans les ruedos de Salamanca et Viso del Alcor. Ces cornadas ont eu raison de lui, il quitta la profession en 1920.

Quelques temps avant la retraite des arènes, il fît son entrée dans le mouvement anarchiste de la CNT, où il reçut ses premières leçons syndicales de personnes comme Paulino Díez et Manuel Pérez. Ces deux influants responsables du mouvement anarchiste espagnol, seront décisifs dans son intention de se retirer des ruedos. C’est peut être dommage pour la tauromachie, nous ne le saurons jamais, mais en tout les cas, l’histoire de l’Espagne rend compte que ce fût heureux pour bon nombre de ses compatriotes pour qui il va œuvrer.

Il semble bon d’ouvrir ici une courte paranthèse, afin de noter que certains historiens affirment que Melchor Rodriguez fût le seul à avoir conjugué des activités dans les arènes, et à s’être engagé dans des activités politiques. Afin de rectifier cette affirmation, il est bon de remémorer, surtout vis à vis du lecteur occasionnel de ces colonnes, que Bernardo Casielles Puerta s’engagea lui aussi, et ce, dans la « Brigade des toreros », affirmant ainsi son idéal républicain. Mais encore Luis Mazzantini, qui même sans avoir été au niveau des responsabilités de notre torero anarchiste, fût tout de même homme politique et élu (combien s’engagent en politique, et ne passent pas par les suffrages).

Melchor Rodriguez s’est marié avec Francisca Muñoz, une ancienne danseuse, amie de la grande Pastora Imperio. Il cumulait ainsi les handicaps, après avoir tenté par une carrière de torero, fiché comme militant anarchiste, le voilà marié à une danseuse issue d’un monde que décriaient voire vomissaient les anti-flamenquistes.

Si notre anarcho-novillero n’entra pas dans la grande histoire de la tauromachie, l’Espagne se souvient de lui pour avoir été, d’après Gregorio Gallego, ancien responsable de la CNT, l’auteur de la chanson révolutionnaire dédiée à la ville de Zaragoza. Une chason dont les premières paroles sont rapportées dans un livre sur la répression, mais aussi par Gallego lui-même durant l’ultime interwiev qu’il accorda à « Solidaridad Obrera » quelques temps avant sa mort, survenue le 2 décembre 2007. Les premiers mots de ce chant révolutionnaire étaient, « Zaragoza ciudad libertaria / … anarquista del bajo Aragón / Dando ejemplo de lucha diaria / Por los ideales de emancipación… ».

Mais aussi et surtout, Melchor Rodriguez marqua son époque de par ses engagements politiques et militants. Sous la dictature de Primo de Rivera, notre syndicaliste est bien entendu répertorié en qualité d’anarchiste, puisqu’il semble être l’un des acteurs à l’origine de la CNT, et passe quelques temps en prison, mais surtout milite aux côtés de personnages illustres du mouvement anarchiste ibérique.

Lisant beaucoup les grands auteurs, étudiant notamment la révolution russe tout en travaillant, l’engagement syndical et militant de Melchor Rodriguez lui permit de dévoiler, et peut être de se dévoiler, de grandes capacités intellectuelles. Adhérent à la cause que la parole se pense, s’échange, se discute et s’écrit, il se montre extrêmement prolixe, entre la rédaction d’articles et les comités de grêves. Journaliste polémique infatigable, auteur de poèmes, textes et discours, il publie avec une fréquence soutenue pour la CNT, Solidaridad Obrera, Campo Libre, La Tierra, Frente Libertario y Crisol, Castilla Libre. Tout cela lui vaut jusqu’en 1930, des semaines et des mois de prisons. Militant radical à la FAI, Melchor Rodriguez sera l’auteur d’un texte contre Maura et intitulé « El de los 108 muertos », survivant de la tragédie de Casas Viejas, s’exprimant contre le gouvernement. A ces causes de ses différents emprisonnements dans les géôles ibériques, verront se rajouter celle de son appartenance au comité pour les prisonniers espagnols.

Melchor Rodriguez marqua cette période douloureuse de l’histoire espagnole, en étant notamment le divulgateur de l’affaire des « Tchékas », lorsque le journal de la CNT publia des accusations très précises proférées par l’ancien novillero devenu délégué des prisons, accusations à l’encontre de José Cazorla, lui-même conseiller à l’ordre public de la Junte madrilène. Selon ses dires, le Parti Communiste ibérique possèdait dans la capitale, des prisons réservées aux interrogatoires extrêmements muclés qui aboutirent à la mort de militants anarchistes. C’est alors que l’enquête dévoila que dans l’entourage de José Cazorla, une répression communiste qui s’est abattue sur les membres de la CNT, leur faisant payer chèrement une éventuelle libération. Le scandale fût tellement énorme, que Largo Caballero dissout la Junte qu’il remplaça par un conseil municipal pour la capitale espagnole.

Nommé Directeur des prisons, Melchor Rodriguez s’empressa de porter un décret interdisant la livraison d’aucun prisonnier que ce soit, sans un mandat signé de sa main. Destitué de sa charge par la pression des communistes très en colères contre lui, malgré les semblant d’écoeurements du franc-maçon Manuel Azaña, son action dans cette fonction permit de sauver plusieurs milliers de vies des exécutions sommaires et de la torture. C’est en ce sens que lorsqu’il comparu devant un tribunal militaire d’après guerre, des franquistes comme les militaires Serrano Súñer, Valentín Gallarda ou Agustín Muñoz Grandes, mais aussi les phalangistes Sanchez Mazas, Fernández-Cuesta, ou encore le joueur de football Ricardo Zamora, vinrent témoigner en sa faveur pour mettre en avant ses idéaux réellement humanistes.
Condamné à une peine de six années de prison, c’est grace entre autre au témoignage du général Muñoz Grandes que sa peine fût écourtée à un an et demi d’enfermement. Il gagna ensuite Valencia, où discrètement, il était protégé par ceux qui avaient témoignés en sa faveur. Michel del Castillo rapporte que, tombé malade, Melchor Rodriguez fût transporté dans un hôpital madrilène où l’ancien ministre des affaires étrangères franquiste Martin Artajo, lui rendit visite portant une cravate aux couleurs anarchistes.

El angel rojo,comme il fût surnommé, s’éteignit en 1972, après une vie passée à œuvrer pour les autres au travers d’un idéal qui était, selon les mots qui lui sont attribués, « Se puede morir por las ideas, pero nunca matar por ellas ».


* « Le temps de Franco », de Michel del Castillo, éditions Fayard, 2009. ISBN 978-2-213-63718-1.

Merci à Marc Thorel pour les informations qui émanent du Cossio, cet article se veut aussi être un clin d’œil à Bruno.

mardi 19 mai 2009

La légende hiramique et le toro


La corrida est rituélique et symbolique, même si cela doit déplaire à celles et ceux qui ne l’aiment pas, mais aussi à des aficionados qui acceptent difficilement qu’une telle approche soit exercée et notamment par des aficionados lambdas. N’étant pas un penseur, n’ayant fait aucune étude de philosophie, aborder de tels sujets risque de me condamner à la vindicte populaire et parfois populiste des contempteurs taurins et des sociétés initiatiques, et de surcroît pourrait aussi me voir critiquer par quelques penseurs officialisés de ces deux mondes, pour qui seuls des personnalités reconnues souvent de par des positions sociétales ou universitaires, ont l’unique droit d’émettre des idées. Aussi, que ces personnes continuent à passer leurs chemins, et que celles qui n’attachent aucunes importances aux titres, veuillent bien rester sur ces colonnes et prendre du recul, quitter un temps l’espace sociétal rationnel de notre quotidien, et se laisser aller à réfléchir de manière symbolique loin des pensées toutes faites, afin d’être soi-même et non pas un sempiternel relais de la pensée des autres.

Comme je l’ai déjà soulevé, et m’efforce modestement de poursuivre l’idée, la tauromachie et les mouvements philosophiques comme la franc-maçonnerie, possèdent quelques points communs. Si il y en a bien un qui passe souvent inaperçu, c’est celui très symbolique je le concède, qui s’effectue entre la légende hiramique et le premier tercio où le castoreño est censé mettre en valeur la bravoure du toro.

La franc-maçonnerie est l’héritière d’une histoire qui a pour fondement essentiel, un architecte fils d’une veuve. Ce fils, Hiram Abiff architecte du Temple de Salomon, trouva la mort parce que des compagnons, forcément qualifiés par l’adjectif mauvais, conspirèrent contre lui afin qu’il leur permette l’accès au degré de la maîtrise. A l’inverse de la tauromachie, qui connut les deux grands matadors que furent Josélito et Juan Belmonte, les deux « J », la légende hiramique nous fait découvrir les trois « J », Jubela, Jubelo et Jubelum, qui fomentèrent contre l’architecte.

Avant l’acte taurin, une foule de gens, aficionados, acteurs taurins, regardent l’animal qui sera combattu, rêvent à triompher de lui. Un triomphe réel du torero, un triomphe allégorique de l’aficionado. Mais au final, nous retrouvons peu d’individus qui entourent le toro lors de son entrée dans le ruedo, tout comme des quinze compagnons initiaux qui voulurent s’en prendre à Hiram, seuls trois allèrent au bout de leur préméditation. Certes, à l’inverse du nombre de compagnons, le trois n’est pas directement présent dans le premier tercio de la corrida, puisqu’aux peons s’ajoutent le torero et un peu plus tard le piquero. Mais nous retrouvons ce nombre de par les acteurs placés derrières les burladeros, souvent remplissant trois des abris. Comme à l’intérieur du Temple de Salomon dont Hiram Abbif assurait la réalisation, les trois burladeros représentent les trois portes auxquelles étaient postés les protagonistes, les compagnons. La vision du toro se retrouvant seul en piste, nous montre qu’il cherche la sortie, comme Hiram cherchera la sortie du Temple devant les attaques des trois ouvriers.

Aussi, il nous est autorisé de voir dans cette représentation de la mort d’Hiram, une concordance avec le premier tercio de la corrida. Comme le premier des compagnons attendit le maître à une première porte, celle du sud, un peon appelle le toro d’un premier burladero. Par cette tentative de rapprochement de l’homme vers l’animal, nous pouvons voir ainsi la demande de dévoiler les mystères de la Nature. Un face à face dans lequel l’homme cherche à découvrir si il peut être plus fort que l’animal, si il peut triompher de lui et ainsi percer son mystère.
Le toro ne voulant pas se laisser approcher, s’enfuit et rencontre à un second repère un autre peon qui l’interpelle, comme Hiram retrouva à la porte ouest du Temple, le second compagnon, Jubelo. Les lances de capote effectués à gauche et à droite par les peons afin de fixer l’animal, peuvent être apparentés aux coups portés par les compagnons devant le refus du maître de leur donner le mot sacré. Des coups portés, afin d’obtenir la tranquillité physique pour lui extirper le mot. Après une fuite éperdue à l’intérieur du Temple, Hiram s’est trouvé à la porte nord et devant son ultime agresseur. Là aussi ne voulant pas donner le mot demandé, Hiram se vît frappé par Jubelum. Mais après avoir été portés sur les épaules droites et gauches, le coup fatal est porté en pleine tête. Afin de demander au maître le mot permettant d’accéder au troisième degré, les compagnons ont utilisés les outils de la Connaissance, à savoir ceux des bâtisseurs, la règle à vingt-quatre divisions, l’équerre et le maillet. En ce geste vertical ultime qui fût fatal à l’architecte, réalisé à l’aide du maillet, l’on peut y voir celui du castoreño qui actionne la puya de haut en bas grâce au palo. Le coup porté sur la tête du maître se voulait l’intimider afin qu’il donne le mot sacré, mais qui en fait à révéler l’aspect de bravoure d’Hiram qui ne céda pas devant les attaques, à l’image de la pique pour qui l’un des objectifs, est de mettre en valeur la bravoure éventuelle de l’animal.

Le drame a engendré de la part de certains des confrères de maître Hiram, un sentiment de vengeance qui prédominait sur celui de justice. Sentiment qui perdure de nos jours, et qui est, il faut l’avouer, un peu contradictoire avec l’idéal. Il n’est pas improbable que, dans l’inconscient, l’aficionado qui assiste à une corrida, vienne lui aussi, assister à une vengeance. Celle symbolique de l’Homme sur la force brute et autoritaire de la Nature. Pas de la Nature en sa totalité, car cette dernière est multiple. Mais la vengeance envers la face sombre de la Nature, celle qui fait souffrir l’humanité lorsqu’elle se met en colère, qui nous met face à la mort d’un proche. Une Nature figurée par le taureau qui, par ses qualités animales et ses comportements, se fait la représentation allégorique de tout ce qu’elle peut démontrer. Grâce à l’affrontement de l’être humain et du taureau, les individus font perdurer cette envie de triompher de plus fort qu’eux, de ce qui peut les faire souffrir dans le côté le plus sombre de la Vie.

Les trois personnages fautifs qui prirent la vie du maître, voulurent fuir, laissant les autres constructeurs sans la parole sacrée. C’est vers la recherche de cette dernière, que les héritiers de la légende hiramique, s’attachent à œuvrer tout au long de leur cheminement. Dans une vision tout aussi symbolique, l’on peut être en droit de penser que c’est en quelque sorte un « mot perdu » que recherchent les aficionados, ce mot qui permettra de trouver la clef de la porte accédant au pays éternel. Car au delà de la perception simpliste et extrêmement basique dont les adversaires de la tauromachie nous accusent, la mort du taureau représente pour l’aficionado une préparation symbolique et mentale à sa propre mort. La tauromachie ne l’occulte en aucun cas, par celle, inéluctable, de l’animal vaincu, elle en prend conscience par celle probable de l’homme.
Contrairement aux personnages de la légende, l’aficionado ne fuit pas ses responsabilités face à la mort, il les assume et les revendique, ce qui n’est pas sociétalement acceptable de nos jours. La tauromachie est l’un de ces outils existentiels qui permettent de comprendre que la mort est la seule chose dont l’on soit certain, et qu’elle ne peut rien contre la vie. A chaque taureau succède un nouveau bovidé, et qu’à chaque homme et femme succède une nouvelle femme et un nouvel homme. Mais à l’inverse de la mort qui ne peut rien face à la vie, la vie ne peut rien contre la mort. Voir et méditer sur cela, permet de regarder et de réfléchir à son propre présent et devenir.Cette confrontation récurrente et volontaire entre l’être humain et l’animal, est au cœur de la démarche initiatique de toute personne passionnée de tauromachie. L’aficionado, l’aficionada, ne le cache pas, ne se le cache pas. À l’image du drame qui se déroula il y a plus de 6000 ans, où devant l’impossibilité de fuir ses agresseurs, voyant les trois portes du temple fermées, maître Hiram ouvrit sa « Porte intérieure », le passionné et la passionnée de tauromachie ouvre aussi sa porte intérieure, grâce au combat entre le matador et le taureau.

vendredi 15 mai 2009

Mario Moreno Reyes "Cantinflas", comédien, torero comique et franc-maçon.


Célébrité outre atlantique, Mario Moreno « Cantinflas », fût un homme de l’art. De l’art de la comédie, de l’art taurin, et de l’art royal. Surnommé le « Charlie Chaplin de Mexico », et dont Charlot lui-même concédait volontiers que son confrère mexicain était bien le plus grand comique du monde, Mario Moreno était né en 1911en étant le septième d’une fratrie de douze enfants.
Il entama des études qu’il interrompit en 1927 dès sa première année d’élève ingénieur agronome, pour entrer dans l’armée. Ayant semble-t-il triché sur son âge, son père le dénonça et justifia qu’il n’avait pas 21 ans mais bien 16 ans. Mario Moreno se retrouva alors sans uniforme, et décida d’embrasser la carrière de boxeur professionnel. Mais peu discipliné pour les exigences de cette discipline, le boxeur « El Chato Moreno » quitta les cordes pour s’orienter vers les planches, et interprétera « El charleston negro » sous le nom de « Polito » avant de devenir « Cantinflas ». L’histoire offre plusieurs versions quant à l’adoption de son apodo de comédien, l’on en retiendra ici une, celle qui veut que Cantinflas provienne de l’un de ses amis, qui, lors d’une soirée dans un club, lui dit « en la cantina, tú inflas ». Moreno aurait alors pris les contractions de « cantina » et « inflar », et ainsi naquit « Cantinflas ».

En 1936, il fît ses débuts de comédiens aux « Folies Bergères » de Mexico, il sera ensuite à l’affiche de plusieurs pièces et de pas moins de 49 films. Il travailla aussi à l’écriture de quelques autres lors d’une carrière qui se terminera en 1981. Sur le plan cinématographique, le point d’orgue sera la nomination aux Oscars pour le meilleur film en 1956, à propos du « Tour du monde en quatre-vingts jours », nomination qu’il partagea notamment avec David Niven qui fût aussi James Bond. Comme la barrière de la langue avec les Etats-Unis était importante pour lui, il créa sa propre maison de films au Mexique. Il reçut le prix de la meilleure prestation comique en 1943, décerné par la « Unión de Periodistas Cinematográficos Mexicanos ». Entre 1942 et 1943, Cantinflas fût aussi secrétaire général de la « Asociación Nacional de Actores » (ANDA), et en 1946, il représenta le cinéma mexicain au festival de Cannes. Honoré pour l’ensemble de sa carrière au Guatemala, en Colombie, il reçut le titre de docteur honoris causa de l’Université de Michigan, mais aussi maître honoraire de Mexico et Venzuela. En 1983, la « Organización de los Estados Americanos » le proclame symbole de paix et de joie, et à ce titre reçut les clefs de la capitale fédérale des Etats-Unis. Toujours la même année, il récolte des fonds pour l’UNICEF, pour la cause des enfants du monde. Ses films faisaient ressentir ses positions politiques ainsi que ses relations avec ce monde, il n’hésitait pas à critiquer le parti mexicain au pouvoir pendant 70 ans, le PRI, que l’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa qualifia de « dictature parfaite ».

L’année où il débute en qualité de comédien, en 1936, Cantinflas se présente comme torero comique dans la plaza de Vista Alegre de San Antonio Abad. Il créa des amitiés avec notamment Carlos Arruza et Manolete, dont ce dernier eut sa popularité supplantée par Cantinflas dans le film « Ni sangre y ni arena ». Lors d’un tournage, dans les arènes de Chinchón, il donne la réplique à Luis Miguel Domingín. En 1966, Cantinflas est au programme de la « Segunda Feria Internacional de San Sébastian » dans les arènes de vénézuéliennes de San Cristobal. L’année précédente, c’est à Quito que le public équatorien le découvre dans le ruedo. Cantinflas avait coutume de dire que le public s’avait qu’il était torero comique et comédien, mais que les toros eux ne le savaient pas, « Y es mi problema, ahi esta el detalle ! »
Ayant connu la gloire devant les caméras ou bien sur les planches des théâtres, Cantinflas la connaîtra aussi dans le monde taurin. Devenu ganadero par pure afición, il créa l’élevage de « Moreno Reyes », situé dans la finca « La Purísima » à côté de la cité de Ixtlahuaca dans l’état de Mexico. Le 6 février 1966 restera à jamais un grand souvenir pour l’acteur-ganadero, où dans les arènes « El toreo », l’un de ses toros nommé « Espartaco » fût lidié par le maestro mexicain Josélito Huerta. Au cartel de ce jour là, les deux autres maestros étaient Antonio Ordoñez et Raúl Contreras. Sorti en seconde position, ce toro de la ganaderia de Cantinflas était de robe negro bragado et marqué du numéro 10. Josélito Huerta lui donna une faena, qualifiée comme étant la plus grande de sa vie. Dès sa sortie dans le ruedo, l’animal montra de l’alégria au cheval et arrivant au troisième tercio avec une charge d’une grande douceur s’abandonnant d’un côté et de l’autre dans la muleta de son matador. Gracié, le comportement de ce toro permis à l’ancien comédien devenu éleveur, de connaître un moment de gloire inoubliable. Vendu par la suite comme semental à Chafik, il est dit qu’il a donné un excellent élevage à son nouveau propriétaire.

Homme du septième art ainsi que de l’art de torear, Cantinflas fût aussi un homme de l’art royal. D’obédience catholique et grand amateur des théories comparatives, Mario Moreno Cantinflas fût membre du « Movimiento Gnostico Universal » et franc-maçon. Qualifié de véritable philanthrope, il semble avoir tout d’abord été attiré par la franc-maçonnerie, afin de vérifier si tout ce qui était rapporté à son propos était exact. Voyant que les animosités n’étaient que les fruits de fantasmes, et que son amour de l’Autre et des Autres lui permettait d’être en adéquation avec le mouvement, il resta initié. Notre acteur humaniste affirmait qu’il militait pour ceux et celles qui n’ont pas de lits, que son parti était celui de la justice sociale, et que son drapeau était celui de l’Egalité. Mario Moreno aida les nécessiteux de son pays, mais aussi dans d’autres contrées, tout en désirant ne pas faire publicité autour de ces actes. Son engagement philanthropique fût confirmé par ceux qui l’ont approché, et tous disent la forme anonyme et désintéressée avec laquelle il s’employait. Sa popularité fût tellement grande, qu’il déclina l’offre d’être candidat à la présidence du Mexique, lui que l’on voyait dignement représenter le gouvernement de la prospérité.
Nous n’en savons pas plus sur sa condition de franc-maçon, mais son engagement sociétal en faveur des plus en difficultés est tout à fait dans la mouvance maçonnique. L’on sait qu’il cachait volontairement son engagement par craintes. Il est vrai qu’il a traversé la seconde guerre mondiale, elle-même assez meurtrière concernant les « frères » arrêtés puis déportés voire fusiller sans autre formes de procès. Mais son pays accueillis ces « plus belles intelligences » qui « ont fui vers le Mexique et la France » comme l’écrit Michel del Castillo, et Canfinflas se rendit probablement compte de ce qu’endurèrent ces « frères » sous le régime franquiste. Ce qui l’incita sans aucun doute à la discrétion.
Le 20 avril 1993, victime d’un cancer des poumons, Mario Moreno Reyes « Cantinflas » passa à l’orient éternel. Ses funérailles furent un évènement national qui dura trois jours, plus de mille personnes bravaient la pluie le jour des obsèques, et l’on vit la présence de plusieurs chefs d’Etats. Le Sénat des Etats-Unis, proposa même une minute de silence lors de l’ouverture d’une séance.

lundi 11 mai 2009

Espartero, avec ou sans trois points ?


L’aficionado a los toros rencontre bon nombre d’interrogations dans sa passion, mais vogue aussi de surprises en surprises. Les méandres des lignées ganaderas nous ont habitué à ceci, et il arrive que des noms de toreros nous y invitent involontairement. Celui de Espartero ne fait pas exception.

Concernant ce maestro, Marc Thorel (Président de l’Union des Bibliophiles Taurins de France), a fait part d’une interrogation lors du IIIè colloque de cette association qui s’est déroulé à Bayonne en 2006, en livrant une communication intitulée « Espartero, l’impact de sa mort en France ». Grand aficionado et bibliophile taurin d’exception, Marc Thorel s’est interrogé sur l’importance ressentie de ce côté des Pyrénées, suite à la mort de ce matador dans le ruedo. Pourtant, comme il le précise, les faits pouvant occasionner une telle ampleur ne plaident pas en la faveur du maestro. Espartero n’est venu qu’à une seule reprise toréer dans notre pays, ce qui n’est pas assez suffisent pour graver les mémoires de nos aïeux. Ensuite, la dimension mythique du torero dans la péninsule ibérique, s’est propagée au travers d’anecdotes et coplas, dont on a du mal à croire qu’elles aient à l’époque, imprégné les mémoires de notre pays au point de les faire rêver.
Il n’en demeure pas moins, comme le démontre le Président de l’U.B.T.F., que la presse française de cette fin du XIXè siècle, aussi bien celle tauromachique que constitue en 1894 la demi-douzaine de feuilles taurines que généraliste, ne laissa pas passer inaperçu l’événement. Il n’y a rien de surprenant à ce que la presse spécialisée relate le drame, mais les autres ? Pour cela, il fallut que les journaux en questions possèdent un ou des correspondants au pays de Cervantes, qui soient capables de faire ressentir aux rédactions, l’importance du torero. Mais, comme le souligne Marc Thorel, l’agence « A.F.P. » existe depuis 1835, et pour lui, l’ensemble des articles puisent d’une même source leurs argumentaires. Le Président de l’U.B.T.F. fait remarquer à juste titre, que la presse de l’époque comme « Le petit journal », n’est que les prémices d’une presse dite people d’aujourd’hui, que beaucoup décrient, mais que aussi beaucoup lisent (peut-être les mêmes) au point qu’elle prolifère.
A travers cette presse généraliste moralisatrice à souhait, l’on devine les attaques larvées contre la tauromachie. Outre le fait qu’en cette année 1894 des évènements se produisent en France comme l’assassinat du Président Sadi Carnot ainsi qu’une bombe « anarchiste » qui explose au restaurant Fayot à Paris, il faut garder en mémoire qu’au moment de la mort de Espartero, l’anti-flamenquisme pointe en Espagne. La mort tragique du torero est certes le premier grand fait divers tauromachique de la temporada comme le souligne Marc Thorel, et il est le bien venu pour ce genre de presse. Mais au delà de la très sérieuse analyse que nous propose de le président de l’U.B.T.F., l’on ne peut éviter de penser aussi à une tentative d’incursion des anti-flamenqusites en terres françaises. C’est tout du moins une piste qu’il ne faudrait pas s’interdire de creuser. Afin d’asseoir une certaine légitimité dans leur démarche, les intellectuels qui prenaient la tête de ce mouvement, ont peut-être cherché par les relais de la presse, à faire entendre leur cause chez leurs cousins gaulois, tout comme les anti-taurins actuels s’associent au delà des frontières. A cette époque, la tauromachie prend de plus en plus d’importance en France, et rien de tels pour les anti-flamenquistes espagnols, de s’efforcer à trouver des soutiens où ils le peuvent, même à l’étranger. Voyant la réussite du mouvement taurin chez nous, il n’est pas interdit de croire que dans cet intérêt des journaux sur la mort de Espartero, à un coup des anti-flamenquistes pour essayer de nous montrer le côté dramatique de la corrida, et pour choquer la bonne morale, que la mort rode même pour l’homme. Bien entendu les différents écrits sur la fin tragique de Espartero, sont emplis de détails souvent justes, comme le nom du toro et la ganaderia, mais ces exactitudes taurines qui donnent toute la dimension sérieuse que l’aficionado attend dans la narration de tels faits, ne doivent pas occulter que l’impact de la mort de Espartero dans notre pays, fût peut-être, un essais des contempteurs taurins espagnols.

A moins que l’impact de cette mort fût un amalgame de cette presse généraliste attirée par le scandale, et qui aurait pu croire à un lien de parenté entre le torero et Joaquín Baldomero Fernández Espartero Álvarez de Toro (27 février 1793, 8 janvier 1879), duc de la Victoria et de Morella, comte de Luchana et vicomte de Banderas, plus connu sous le patronyme de Baldomero Espartero. Politiquement associé à l’idéologie radicale et progressiste du libéralisme espagnol, cet homme devient un héros en 1839, après sa victoire sur les Carlistes. Président du Conseil en 1837 et 1854, il n’en demeure pas moins que son attitude quelque peu autoritaire déçoit bon nombre d’espagnols progressistes.

Mais le nom de Espartero, ne fût pas seulement porté par un héros militaire et homme politique ibérique, ni simplement pris comme apodo par un matador, et pas le moindre. Il y a un an, j’ai fait non pas une énorme découverte, mais pendant un court instant elle me fît rêver. Instant très bref où j’ai espéré apporter la piste d’une éventuelle réponse à l’interrogation soulevée par le Président de l’U.B.T.F., comme j’avais pu , il y a douze ans maintenant, apporter une pièce manquante au parcours hexagonal d’un dénommé Pablo Mesa, organisateur de spectacles taurins dans la seconde partie du XIXè siècle, lors de mes recherches sur les corridas nantaises.
En découvrant des documents qui émanent des « Archivo General de la Guerra Civil Española », documents concernant la loge maçonnique madrilène « Rito Puro Escosses numéro 16 » adhérente au « Gran Oriente Nacional de España », j’eu la surprise d’y découvrir le nom de … Espartero.
Malheureusement pour moi, le tableau de l’effectif de cette loge daté du 26 avril 1892, fait apparaître que ce n’était pas le brillant torero qui était ainsi répertorié, mais un dénommé Pedro de Agüera y Azañon âgé de 28 ans (sur le présent document et il lui est donné un an de moins sur celui daté de l’année suivante), qui avait pris pour nom symbolique celui de Espartero. Ce franc-maçon, qui malgré son jeune âge avait déjà atteint le 31ème degré, à savoir donc qu’il fréquentait les ateliers dits de « perfectionnements », occupait la fonction de secrétaire de cette loge. Il était aussi mentionné comme membre fondateur de la dite loge, et dans le monde profane il était empleado et marié. L’effectif de la loge répertorié sur un document daté du 19 septembre 1893, fait à nouveau apparaître Espartero, toujours avec pour fonction celle de secrétaire.
Il est intéressant de constater pour le chercheur, et dans mon cas très amateur, que les documents portants signatures du Vénérable Maître, le président de la loge, et du Secrétaire, ce sont les noms profanes qui apparaissent, et concernant notre Espartero, le patronyme de Agüera y Azañon est noté avec l’indication du degré maçonnique. Par contre, sur le document qui relate les travaux de la loge, à la lecture du tracé, l’on constate que les interventions des « frères » sont notifiées sous leurs noms symboliques, et l’on retrouve celui de Espartero. Idem pour la signature du même document, avec toutefois le degré maçonnique indiqué, mais aussi pour le président comme pour le secrétaire, un tampon circulaire sur lequel apparaît le nom profane de ce dernier, avec à l’intérieur un delta lumineux au sein duquel figure le degré 31.

Même si je le crus quelques secondes, l’on peut dire en l’état actuel des recherches que Manuel Garcia « Espartero » ne fût donc pas franc-maçon, contrairement à l’un de ses contemporains, Luis Mazzantini. L’impact en France du décès du torero, n’est donc pas en lien avec une éventuelle initiation en franc-maçonnerie, les mauvaises langues n’ont pas pu affirmer qu’il devait sa carrière au fait d’être membre d’une obédience maçonnique, comme ce fût le cas pour des propos tenus à l’encontre de Mazzantini. Le mystère de l’impact dans notre pays du décès de Espartero reste donc entier, et si ce n’est quelques suppositions qui pourraient être plausible, la seule piste sérieuse à ce jour pour tenter d’y trouver une réponse, est celle soulevée par le Président de l’U.B.T.F.


« Gazette » de l’Union des Bibliophiles Taurins de France, numéro 46, juin 2007. Revue numérotée, réservée aux sociétaires de l’association.

Archives de la loge « Rito Puro Escosses numéro 16 », C.736 EXA Q, « Archivo General de la Guerra Civil Española », reproduction des documents par le Ministerio de Cultura servicio de reprografia en date du 12 mars 2008.

jeudi 7 mai 2009

Arts libéraux et art taurin


Parmi les Arts qui s’offrent à nous, l’on situe l’art royal, qui fût le premier sujet évoqué sur ces colonnes, art auquel s’ajoutent les Arts Libéraux. Ces derniers, désignent l’ensemble de l’enseignement des écoles de l’Antiquité et du Moyen-Age. Afin d’entrer dans le vif du sujet, l’on peut d’ores et déjà aborder l’une des interrogations de l’aficionado a los toros, à savoir si la corrida est un art, et si oui, lequel.

La corrida est-elle un art dans son aptitude et son habileté à faire et créer quelque chose, de façon à ce qu’elle s’approcherait des beaux-arts ? Ce bel-art qui se veut être la contemplation du Beau, parfois considéré comme inutile par quelques concitoyens, alors que cela peut être une continuation de l’éveil de l’esprit. Sinon, la corrida serait-elle un art servile ou bien un art libéral ?
L’on ne pourra empêcher quelques personnes de percevoir une connotation péjorative dans la qualification d’art servile. Pourtant, l’homme ayant toujours eu besoin de classer et cloisonner, par nécessité de cataloguer son semblable mais aussi afin de faire progresser sa pensée, a qualifié d’arts serviles ceux qui se rapportent à la transformation de la matière. Il faut tout de même voir dans l’emploi de cet adjectif, la définition comme étant l’état de suivre très étroitement un modèle. Les arts de transformation de la matière, suivent des modèles, des règles précises définies par les Anciens maîtres des métiers.
Il est à noter que dans toutes ces formes d’arts, qu’il soient le beau, le servile ou le libéral, l’intellect est sollicité, car l’homme est convié à la création à partir d’une matière brute. Le matériau brut qui sera transformé en une pièce quel que soit ce matériau (pierre, bois, argile, plastique, alliages ferreux,…), le taureau qui à sa sortie du toril est encore cette matière brute que le matador doit travailler comme un artisan jusqu’au moment de l’estocade, mais encore la pensée qui reste brute si elle n’est pas sollicitée pour travailler et aller vers la Connaissance.

Dans le principal sujet qui nous anime, aficionados a los toros intéressés par les symboles et les rites, l’on constate que la corrida, tout en étant proche par de trop rares moments des beaux-arts, s’apparente aux deux autres formes d’arts, dont le servile. La pensée nécessaire pour la transformation de la matière, que l’on détecte chez l’artisan, l’ouvrier, qui transforme, créé et construit, se retrouve aussi chez le matador digne de ce nom du moment où ce dernier s’emploi honnêtement dans son activité.
Les arts libéraux eux, sont divisés en deux degrés, le Trivium et le Quadrivium. Le trivium regroupe la grammaire, la dialectique, la rhétorique. Trois enseignements qui concernent le pouvoir de la langue. Le quadrivium, second degré des arts libéraux, comme sont nom l’indique, concerne quatre discipline, est considéré comme étant le pouvoir des nombres se rapportant à l’astronomie, la musique, l’arithmétique et la géométrie. Les aficionados a los toros que nous sommes, percevons que parmi ces 7 arts libéraux, 5 sont employés en tauromachie à l’identique des pratiques de quelques mouvements philosophiques initiatiques. Sans vouloir être redondant avec ce qui a par ailleurs été abordé vis à vis des 5 arts libéraux* que l’on retrouve dans la corrida, et pour ne pas s’arrêter aujourd’hui sur chacun de ces arts, car cela donnera matière à d’autres articles prévus en ce sens, il semble convenir que le plus marquant des arts utilisés dans la tauromachie, est celui de la géométrie.

« Nul n’entre ici si il n’est géomètre », était, paraît-il, inscrit sur le fronton de l’Académie platonicienne. Si l’on osait prendre le risque, quitte à passer pour présomptueux aux regards des contempteurs de la tauromachie, et peut être d’une partie des aficionados, l’on pourrait souhaiter afficher la même citation à l’entrée de tous les temples taurins que doivent être les arènes. Ceci absolument pas pour rejeter qui que ce soit, contrairement à l’emploi initial de ces types de formules sur des lieus précis, comme par exemple « le Dieu Saint réside ici, aucun profane ne doit entrer », ou encore « le Dieu dit que les femmes ne doivent pas entrer dans le sanctuaire d’Héraklès ». Mais employer la phrase attribuée à Platon, aurait pour objectif d’inviter l’aficionado a los toros, à prêter attention à l’un des fondements du toreo qu’est la géométrie. Et ainsi, de proposer une incitation à la réflexion dans la forme du quatrain de Jean Teztzès au XIIè siècle, écrit comme interprétation de la formule platonicienne, « Nul ne doit entrer sous mon toit, s’il n’est géomètre, c’est à dire, nul ne doit s’introduire ici, s’il n’est juste ; car la géométrie est égalité et justice ».

Il est facile d’observer que la première représentation géométrique pendant la lidia, est euclidienne, à savoir la droite parfaite. Lorsque le taureau sort du toril, ses charges sont rectilignes et stoppées par les capes, donnant un style peu orthodoxe à l’allure de l’animal lorsqu’il remate. La charge droite et franche, est tout aussi visible lorsque le taureau s’engage pour le tercio de varas avec en ligne de mire le groupe équestre. Le matador face au fauve, doit se servir de sa Connaissance afin de rendre courbe cette charge naturelle rectiligne de l’animal, et donc par cela, s’imposer au bovidé. Parvenir à exprimer le bel-art que représente entre autre cette charge modifiée, ne doit-il pas être précédé par l’application stricte et sincère de l’utilisation de l’art dans sa forme servile, pour ensuite emprunter le chemin de l’art libéral afin d’employer le maximum des connaissances taurines pour parvenir au Beau ?
La géométrie, présente jusque dans la division des tercios, doit être employée à l’image de ces constructeurs, tels que Hiram, mais aussi Fibonacci qui s’est entre autre servi de la géométrie à partir d’une observation des mathématiques dans la nature (les lapins, les graines de fleurs de tournesol), et qui se sont ainsi aidé d’elle afin de réaliser de belles choses. Mais l’art des géomètres, c’est aussi des tracés produits avec de seules règles, équerres et compas, pour réaliser ce qui est dénommé « les tracés de Lumière », tels que le carré magique, l’étoile flamboyante, ou le partage d’un segment selon la section d’or. Afin de pouvoir lui aussi parvenir à ce résultat avec le taureau, à savoir effectuer un tracé géométrique avec la seule aide des trastos et de modifier la trajectoire initiale de l’animal en ligne courbe pour s’imposer à lui, le matador doit découvrir l’instant où le bovidé commencera à se soumettre à sa volonté, comme le bâtisseur attend le moment où l’ombre est la plus courte pour indiquer midi plein, et ainsi avoir toute la zone du chantier éclairée d’une même lumière. La géométrie des gestes, qui va rendre la charge brute et rectiligne en pure courbe et travaillée, sera précédée par l’extraction symbolique des aspérités présentées par l’animal, comme le font les artisans de la transformation des matières.

Afin de parvenir à ce résultat dans sa plus grande probité, et ainsi pour que la corrida continue de puiser parmi ses sources et ses forces symboliques cette parenté avec les arts libéraux, il ne faut en aucun cas occulter qu’elle est avant tout un combat. L’emploi du terme d’art libéral se pratiquait déjà à l’Antiquité, et semblait signifier que la Connaissance était du domaine des hommes libres. Libres dans le contexte initial, car détachés des préoccupations étrangères aux loisirs et aux affaires (otium et negotium). Libres nous devons l’être aussi, libre de toute tentation d’aseptisation sociétale qui dénature l’art de Cuchares. Nous devons nous détacher un temps des préoccupations culpabilisatrices que veut nous inculquer un sacro-saint esprit de repentance citoyenne, afin de vivre pleinement notre passion. Ce n’est pas parce que d’autres souffrent que l’on doit s’interdire d’être heureux un temps donné, c’est donc libre de cela pendant un temps défini, que nous devons revendiquer que la corrida est un combat et non une tartufferie. Car dénaturée de sa substantifique moelle, nous, qui nous servons des matadors comme outils allégoriques afin de répondre à nos interrogations existentielles, perdrons les traces de la Connaissance du Vrai que nous offre la tauromachie.
A l’image des Arts Libéraux, qui ne sont aujourd’hui usités que par des initiés et difficilement accessibles aux initiables, car alourdis du regard inquisiteur et de l’incompréhension de ceux et celles qui ne perçoivent pas l’intérêt à cette discipline de l’esprit, la corrida et la tauromachie dans son ensemble, risque de s’afffaiblir et de n’être accessible qu’à ceux et celles qui accepteront une vérité dogmatique. C’est en gardant cette notion de combat, faite de canons et non de dogmes comme le veut l’éveil de la Pensée et de l’Esprit, que les Anciens ont réussi à faire perdurer et à transmettre la Connaissance des arts libéraux. A nous de suivre leurs traces…


* « L’équerre, le compas, les toros » aux éditions CAIRN, pages 75 et 76.

mardi 5 mai 2009

Guide l'aficionado, FSTF, 1976.


En attendant de terminer la rédaction d’un prochain article pour ces colonnes, article qui sera proposé d'ici quelques jours et qui traitera des arts libéraux et la corrida, je me suis plongé dans ma modeste bibliothèque, et mon attention fût portée sur un ouvrage que je croise depuis bon nombres d’années. Depuis le temps que je possède ce « Guide de l’aficionado », j’ai enfin pris le temps de le consulter à nouveau ces jours-ci. Je garde le souvenir d’avoir lu très jeune cet ouvrage publié en 1976 par la « Fédération des Sociétés Taurines de France ».
Je me rappelle très bien l’avoir vu chez moi depuis l’enfance, et qu’il avait été acheté en 1977. La mémoire permet parfois de ce rappeler des instants paraissant futiles, peut être pour amenuiser de tristes évènements qui se produisent au même moment. J’avais donc 10 ans lorsque j’en ai ouvert les pages pour la première fois, et que je découvrais parmi les membres du bureau de la section corrida de la fédération, les noms de personnes dont je lirai pour certains des articles dans la revue « TOROS », que je me procure la première fois au mois d’avril 1984 avec le numéro 1224. Ou d’autres que je croiserai dans les tertulias de « l’Union Taurine Biterroise », mais aussi un autre nom avec lequel j’aurai le plaisir, plus de 30 ans après, à partager le cartel lors d’un colloque de « l’Union des Bibliophiles Taurins de France ».

Ce « Guide de l’aficionado » est intéressant à plusieurs titres. Il permet de découvrir ou de ce remémorer, les villes françaises des années 70 où étaient célébrées des corridas, mais aussi il propose un voyage dans l’histoire. Le tout, sous la plume d’aficionados sincères, en quêtes d’une passion de qualité intègre.
L’ouvrage aborde tout d’abord la France, en énumérant le calendrier des corridas et novilladas avec picadors. Fréjus et Toulouse y sont mentionnées, mais aussi Bessan dans l’Hérault (souvenirs d’enfants). Orthez se positionnait déjà le 4ème dimanche de juillet dans le calendrier taurin français, et Parentis organisait une novillada en juillet et une en août. Céret programmait des novilladas le 14 juillet ainsi que les seconds et troisièmes dimanches du même mois. Vic-Fezensac et Nîmes se partageaient déjà le week-end de Pentecôtes, avec trois corridas chacune, agrémentées d’une novillada nocturne le samedi pour la cité gardoise.

Dans l’avertissement au lecteur qui débute le guide, il est brièvement expliqué comment sont articulés les organisations des corridas autour de dates particulières, comme les fêtes patronales, religieuses ou bien patriotiques. Il est même fait allusion qu’en France « les empresas répugnent à organiser en fin de mois où les bourses sont normalement plus plates qu’au début ». Il n’est toutefois pas précisé, lesquels des différents organisateurs craignait de tâter la platitude boursière éventuelle des fins de mois. Suit une rapide précision sur les fêtes mobiles.
Vient alors un paragraphe répertorié dans le sommaire, comme « dictionnaire des villes taurines », listant les directions des différentes arènes, leurs représentants, le lieu de location des places, les dates des spectacles ainsi que des clubs taurins fédérés villes par villes. Une liste des autres clubs taurins fédérés, pour les associations se trouvant dans des localités qui ne présentent pas de corridas ou de novilladas, vient compléter le sujet.

Bien entendu, une grande place est faite à l’Espagne dans ce « Guide de l’aficionado », avec principalement le calendrier des ferias les plus importantes, mais aussi une présentation des quatre grandes ferias espagnoles de l’époque, à savoir chronologiquement dans l’ouvrage, Sevilla, Madrid, Pamplona, Bilbao. Auxquelles s’ajoute les Fallas de Valencia, qualifiée de « feria folklorique ».

Le guide de la FSTF nous invite au voyage dans l’histoire de chacune des ferias évoquées. Pour la capitale andalouse, le point de départ est 1847, année de la création de la feria de Sevilla par Isabelle II, lorsqu’elle institua un « marché annuel destiné à accroître les richesses agricoles et le cheptel de la région », tout en précisant que la présence de deux foires, l’une au printemps l’autre à l’automne, remonte au XIIIè siècle sous Alphonse le Sage.

Concernant Madrid, c’est l’histoire de San Isidro qui débute le chapitre, pour ensuite fixer la feria madrilène avec sa première course de toros donnée le 25 mai 1648 comme il est relevé dans les chroniques de l’époque. Il est aussi relaté le cheminement des différentes constructions d’arènes, jusqu’à l’édification de la plaza actuelle.
Mentionnant Livinio Stuyck et son arrivée à la tête de l’empresa madrilène en 1948, qui passa des 2 à 4 corridas annuelles aux 21 de l’année 1975, ce « Guide de l’aficionado » prend le temps d’expliquer la méthodologie nécessaire afin d’assister à la San Isidro tout en étant un aficionado français en ces années 70. Il est à noter que les rédacteurs du guide, suggèrent au lecteur désireux de voir quelques unes des corridas du cycle isidril, de prendre place sur les tendidos madrileños lors des courses données la dernière semaine de la feria, car elles offrent les meilleurs cartels.

Le périple proposé, amène l’aficionado à poursuivre le voyage vers Pamplona pour la San Fermin. La cité navarraise qui possède la particularité de fêter son Saint au mois de juillet, alors que la Saint Firmin se célèbre le 10 octobre.
Le chapitre concernant Pamplona est lui aussi très complet, il aborde l’histoire de Ferminus, le déroulement des encierros matinaux et les trois opérations qui les accompagnent, ainsi que les manifestations folkloriques qui composent la San Fermin telles que les Zaldikos, Kiliquis, ou encore les jeux matinaux de forces Basques. Sans oublier les activités débordantes des peñas.
La présentation des corridas à Pamplona se termine par la narration de l’évolution historique des différentes arènes de la ville et de ses spectacles taurins, remarquant que les toros dans la cité navarraise se concentrent presque exclusivement autour de la semaine dédiée à Saint Firmin. Des dernières précisions sont données à l’aficionado français en quête de ce voyage, notamment que contrairement au règlement taurin alors en vigueur, si un matador est remplacé ou bien si la pluie annule la corrida, le billet ne sera pas remboursé.

Bilbao et la Semana Grande poursuit le périple proposé, et l’on sent dès les premières lignes, une pointe de nostalgie devant la perte des valeurs taurines qui faisaient la grandeur de la feria de Bilbao à l’époque des Lalanda et Ortega. La moitié du chapitre, soit deux pages, traite du changement de comportement de ce public des arènes de Bilbao.
Comme la feria de Bilbao est « totalement dépourvue de contexte folklorique », les rédacteurs de ce « Guide de l’aficionado » terminent le chapitre en donnant quelques conseils pour assister à l’apartado.

« Après ces quatre grandes ferias sérieuses, nous pouvons proposer à l’aficionado un déplacement qui, pour ne pas être d’un intérêt tauromachique particulier, n’en restera pas moins dans son souvenir à cause d’un environnement folklorique exceptionnel : les FALLAS de Valencia ». Tout est dit, ou presque, dans l’introduction du chapitre consacré à la cité du Levante.
Ici aussi il est proposé un retour historique sur l’origine d’une falla, ainsi que le déroulement de la despertá, un réveil à 7 heures du matin avec les chapelets de pétards, puis la mascletá, et la nit de Foc (nuit de feu).
Quatre pages sont consacrées aux corridas depuis le premier droit « au rapport des courses de toros en la ville de Valencia pour le temps de trois vies », qui remonte au 27 janvier 1612. La grande connaissance tauromachique des signataires de ce « Guide de l’aficionado », nous permet de voyager dans l’histoire des toros à Valencia, du XVIIè siècle aux années 1970. En passant par 1921 où ses dernières commencèrent à être organisées dans le cadre des Fallas, « à cause de Manolo Granero » comme il est précisé dans le guide. Manolo Granero, torero valencien, en qui ses supporters voyaient le successeur de Joselito. L’année qui suivit sa mort, il n’y eut plus de corridas jusqu’en 1927, pour reprendre ensuite devant l’accession au premier plan de deux autres toreros locaux, Enrique Torres et Vicente Barrera.

Les dernières pages du guide, font un rapide petit tour de la presse taurine de l’époque, papier ou télévisuelle en passant par la radio, qu’elle soit entièrement dédiée à l’art de Cuchares ou bien proposant des rubriques taurines ici ou là.

Tout au long de la lecture de l’ouvrage, l’on ressent l’afición des rédacteurs, qui n’hésitent pas à nous faire partager l’étendue de leurs connaissances historico-taurines, mais aussi leurs expériences pratiques pour se procurer des places, pour être hébergé et se restaurer, mais aussi en matière climatique. Donnant même un petit conseil, afin d’éviter d’attraper le constipado lors du déjeuné en plein air à la Venta del Batán. Conseil que les adorateurs de la bonne morale d’une société aseptisée, réprouveraient de nos jours.

Un guide rédigé par des érudits, agrémenté de 26 photos en noir et blanc d’un format d’une moitié de page ou bien d’une pleine page, parmi lesquelles l’on peut voir le « Niño de la Capea » à Lunel, mais aussi un superbe derechazo donné de face et pieds joints dans les arènes d’Arles par un novillero de l’époque nommé « Nimeño II », ou encore José Falcon aux palos dans les arènes de Toulouse mais aussi à puerta cerrada dans les arènes de Salamanca.

Ce « Guide de l’aficionado » de 95 pages, format 15x20, est sorti des presses de l’imprimerie Barnier le 30 avril 1976. Un ouvrage agréable, à ne pas hésiter de se procurer pour qui le croise au hasard d’étalages de bouquinistes ou de libraires. Un livre grâce auquel l’on peut découvrir ou redécouvrir nos villes taurines des années 70, mais aussi se replonger dans l’histoire tauromachique.

vendredi 1 mai 2009

Le Toréo ésotérique et initiatique


Lorsque j’ai consulté divers documents pour la rédaction de « L’équerre, le compas, les toros », j’ai eu l’occasion de lire un texte intitulé « El Toreo esotérico e iniciático », paru dans le numéro 5 de la revue « Anfora » du « Gran Oriente Masonicó Chileño », obédience maçonnique du pays d’Allende. Il m’a semblé intéressant, sur l’idée initiale d’un ami, d’offrir au lecteur de ces colonnes, la possibilité d’avoir accès au texte de German Ruz Baeza. Texte traduit et reproduit avec l’autorisation du rédacteur de la revue « Anfora », que je remercie ici vivement.

L’aficionado constatera des inexactitudes tauromachiques dans ce texte, et autant le degré symbolique de cet écrit amène à la réflexion, autant la perception tauromachique qui s’en dégage et les quelques erreurs taurines présentes, laissent à penser que l’auteur n’est peut-être pas un aficionado a los toros. Toutefois, le titre nous indique bien que l’objectif premier voulu par l’auteur, est avant tout d’apporter une approche initiatique et ésotérique de l’art de Cuchares. Une tentative d’approche, qui doit amener les lecteurs aficionados que nous sommes, à ne pas lire ce texte comme une quelconque reseña, mais d’emprunter le chemin d’une pensée au dessus de la rationalité quotidienne. La lecture de cet écrit ne doit pas se faire de manière vulgaire, il faut garder présent à l’esprit qu’il a été rédigé dans un cadre bien précis, celui de proposer une vision de la corrida basée sur la symbolique et l’aspect initiatique des choses.


« Le combat avec le taureau a été un cérémonial réalisé en Atlantide, à des fins initiatiques et de manière ésotérique. Cette information nous arrive à travers les archives des Akhasicos*, auxquelles seulement les grands initiés ont accès. Dans l'île de Crète, des peintures murales ont été trouvées où des jeunes gens des deux sexes risquaient leurs vies en réalisant de difficiles et compliquées acrobaties, devant un taureau furieux et sauvage. Dans ces temps, l'animal n'était pas sacrifié comme il est aujourd'hui.
En Atlantide, cette cérémonie se déroulait dans un grand cirque ou une arène, très semblable à ceux qui existent actuellement en Espagne, Mexique et Colombie. L'arène était divisée en galeries et les pistes étaient en sable. Le cirque représentait le cycle de l'existence de la vie. les gradins avaient douze accès pour le public, qui se trouvait comme dans un vrai zodiaque vivant. À cause du soleil, l'arène restait divisée entre lumière et ombre, une représentation du bien et du mal comme notre pavé mosaïque. L'assistance était active, partie des constellations zodiacales.
L'accès à la piste en sable l’était par quatre portes qui représentaient les points cardinaux. La porte d'orient était utilisée par l'équipe de toreros, de banderilleros et de picadors. Le taureau entrait par l’occident. La porte du nord était pour l'équipe qui avait à tirer la bête et par la porte le sud sortaient les toreros triomphants.
Imaginons si nous unissons ces quatre portes que nous formons une croix ou un carré. Le carré représentait notre pierre cubique en détachant de ses côtés quatre corps de péché, physique, astral, mental et causal. Avec la croix de la crucifixion, que doit comprendre chaque maître initié aux plus grands mystères.
La piste en sable était le lieu de la cérémonie même, et était fermée par un cercle qui se composait de défenses et de protections. Il y avait cinq ou six défenses. Si nous unissons linéairement ces lieux de protections, une étoile de cinq pointes se dessine, le Saint Tétragramme et dans le cas de six défenses, on traçait le sceau de Salomon, l'étoile de six pointes, des symboles si connus pour nous.
La piste en sable avait et a actuellement des cercles concentriques tracés à la craie. Les dits cercles la divisent en trois, en faisant correspondre celui de plus grand diamètre au lieu où agissent les picadors. Le cercle suivant est pour les banderilleros et le cercle central pour les toreros.
Les picadors lors de cette cérémonie, représentent les apprentis. Ils sont montés sur un cheval qui a la vue obstruée, protégé par une cuirasse, qui se meut avec une grande difficulté. Un cavalier le monte, qui porte comme arme unique une longue lance avec laquelle il fait face au taureau.
Le cheval représente le corps physique et le cavalier est l'esprit, qu'il ne coordonne ni ne domine. Depuis sa monture il essaie de blesser à la bête furieuse, mais il réussit seulement à la rendre encore plus furieuse. Souvent le cheval est blessé ou mort. Quand cela arrive, rapidement le torero et les banderilleros accourent pour le protéger.
Les compagnons sont représentés par les banderilleros, qui travaillent dans le deuxième cercle de la piste et déjà osent être en face du taureau, parce qu'ils possèdent quelques connaissances pour cela, mais ils doivent être très soigneux, puisque la bête ne pardonne pas et n'importe quelle négligence peut être fatale.
Il en est ainsi qui reçoivent des coups de cornes et sont blessés plusieurs fois, avec des conséquences fatales. Le symbolisme de la connaissance des compagnons est représenté par les banderilles, qu'ils clouent sur l'échine du taureau, sous le regard attentif du maître qui est le torero.
Les banderilleros s’habillent de vêtements voyants, de couleurs qui viennent à représenter les connaissances accumulées. Le torero est le maître qui pour être face à la bête, s’habille de lumière, c'est-à-dire comme des corps solaires qui peuvent être définis en or et grena, or et argent, or et bleu ciel, etc.. Le maître prend à une main son épée flamboyante, et dans l'autre sa cape pourpre qu'il possède de par sa grande spiritualité. Le torero avance pour être face à la bête et se recommande à la Vierge Marie, la Mère Divine, pour obtenir sa protection et son aide. Une fois dans l'arène il offre le sacrifice de la bête, pour cela il utilise sa montera, une espèce de béret. Le taureau, comme je l'ai déjà mentionné, représente l'ego animal, la bête que tous avons formée à travers des vies successives passées, celui que nous devons décapiter pour pouvoir y échapper. La lutte est à mort et le torero doit s'employer à fond avec ses connaissances supérieures pour obtenir un succès dans le travail. En employant sa cape pourpre il fait face à la bête en exécutant des passes par la droite et la main gauche, il réalise des Véronicas, passe de poitrine, à pieds joints, des naturelles, en rond, à genoux, en donnant des muletazos jusqu'à arriver à connaître et à comprendre le comportement du taureau furieux.

Une fois identifiée et comprise, il se prépare à employer l'épée flamboyante dans une pleine arène, il se recommande une nouvelle fois à la Mère Divine. Il met la bête en position et avec la cape pourpre il s'élance sur le taureau en clouant son épée flamboyante sur son échine, ce qui est connu comme la croix de la bête.
Quand cela arrive, le zodiaque vivant c'est-à-dire les gradins, célèbrent avec allégresse et une clameur terrible, la dissolution et la mort de l'ego animal.
Si le taureau ne meurt pas dans cet opération, le torero emploie de nouvelles connaissances représentées dans l'épée de descabello. Cette épée a une forme d'une croix intervertie comme celle de Saint-Pierre. Cette épée est clouée sur les cervicales et la bête tombe foudroyée. D'autres fois il faut utiliser un poignard qui a la même fonction que l'épée de descabello.
Dans les gradins, les gens exigent de récompenser le travail du torero. Ces prix sont symbolisés par les oreilles et la queue de la bête, ce sont des degrés spirituels. Quand il est blessé ou reçoit des coups de cornes, le torero est secourable par ses assistants, les banderilleros. Cela produit un grand murmure dans les gradins. Si le torero ne peut pas reprendre son travail, un autre maître le remplace. S'il décède dans la lutte, cela signifie qu’il échoue dans cette phase de sa vie et doit attendre une nouvelle opportunité pour tenter à nouveau.
De nos jours le toreo qui est pratiqué est une mauvaise imitation de cette cérémonie initiatique et ésotérique qui était pratiqué dans l’Atlantide disparue, mais qui, comme on peut apprécier entre les lignes, représente la connaissance supérieure.

German Ruz Baeza
Resp. Logia J.V.Lastarria N°17.



Pour ceux et celles que la curiosité pousserait à vouloir en savoir plus sur cette obédience maçonnique, deux sites sont accessibles. Le http://www.anforadigital.blogspot.com/ concernant les numéros de la revue, ainsi que le http://gomch.cl/.


* Note de l’animateur du blog : les « registros Akásicos » sont une espèce de mémoire, qui serait inscrite dans l'éther. Ces registres contiendraient tout ce qui est arrivé depuis le commencement des temps ainsi que toutes les connaissances de l'univers. Actuellement, nombre des personnes qui suivent le courant de la « Nouvelle Ère », croient en l’existence de ces registres.L’adjectif « akáshico » est un néologisme inventé par la britannique Annie Bésant (1847-1933), qui provient d'akasa, une limite existante dans la langue ancienne sanscrite de l'Inde, qui signifie « l'éther », fluide impalpable, immatériel, subtil et intangible, dans lequel les hindoues anciens voyaient une pénétration de tout l'univers et qui serait le véhicule de la vie.