Parmi les Arts qui s’offrent à nous, l’on situe l’art royal, qui fût le premier sujet évoqué sur ces colonnes, art auquel s’ajoutent les Arts Libéraux. Ces derniers, désignent l’ensemble de l’enseignement des écoles de l’Antiquité et du Moyen-Age. Afin d’entrer dans le vif du sujet, l’on peut d’ores et déjà aborder l’une des interrogations de l’aficionado a los toros, à savoir si la corrida est un art, et si oui, lequel.
La corrida est-elle un art dans son aptitude et son habileté à faire et créer quelque chose, de façon à ce qu’elle s’approcherait des beaux-arts ? Ce bel-art qui se veut être la contemplation du Beau, parfois considéré comme inutile par quelques concitoyens, alors que cela peut être une continuation de l’éveil de l’esprit. Sinon, la corrida serait-elle un art servile ou bien un art libéral ?
L’on ne pourra empêcher quelques personnes de percevoir une connotation péjorative dans la qualification d’art servile. Pourtant, l’homme ayant toujours eu besoin de classer et cloisonner, par nécessité de cataloguer son semblable mais aussi afin de faire progresser sa pensée, a qualifié d’arts serviles ceux qui se rapportent à la transformation de la matière. Il faut tout de même voir dans l’emploi de cet adjectif, la définition comme étant l’état de suivre très étroitement un modèle. Les arts de transformation de la matière, suivent des modèles, des règles précises définies par les Anciens maîtres des métiers.
Il est à noter que dans toutes ces formes d’arts, qu’il soient le beau, le servile ou le libéral, l’intellect est sollicité, car l’homme est convié à la création à partir d’une matière brute. Le matériau brut qui sera transformé en une pièce quel que soit ce matériau (pierre, bois, argile, plastique, alliages ferreux,…), le taureau qui à sa sortie du toril est encore cette matière brute que le matador doit travailler comme un artisan jusqu’au moment de l’estocade, mais encore la pensée qui reste brute si elle n’est pas sollicitée pour travailler et aller vers la Connaissance.
Dans le principal sujet qui nous anime, aficionados a los toros intéressés par les symboles et les rites, l’on constate que la corrida, tout en étant proche par de trop rares moments des beaux-arts, s’apparente aux deux autres formes d’arts, dont le servile. La pensée nécessaire pour la transformation de la matière, que l’on détecte chez l’artisan, l’ouvrier, qui transforme, créé et construit, se retrouve aussi chez le matador digne de ce nom du moment où ce dernier s’emploi honnêtement dans son activité.
Les arts libéraux eux, sont divisés en deux degrés, le Trivium et le Quadrivium. Le trivium regroupe la grammaire, la dialectique, la rhétorique. Trois enseignements qui concernent le pouvoir de la langue. Le quadrivium, second degré des arts libéraux, comme sont nom l’indique, concerne quatre discipline, est considéré comme étant le pouvoir des nombres se rapportant à l’astronomie, la musique, l’arithmétique et la géométrie. Les aficionados a los toros que nous sommes, percevons que parmi ces 7 arts libéraux, 5 sont employés en tauromachie à l’identique des pratiques de quelques mouvements philosophiques initiatiques. Sans vouloir être redondant avec ce qui a par ailleurs été abordé vis à vis des 5 arts libéraux* que l’on retrouve dans la corrida, et pour ne pas s’arrêter aujourd’hui sur chacun de ces arts, car cela donnera matière à d’autres articles prévus en ce sens, il semble convenir que le plus marquant des arts utilisés dans la tauromachie, est celui de la géométrie.
« Nul n’entre ici si il n’est géomètre », était, paraît-il, inscrit sur le fronton de l’Académie platonicienne. Si l’on osait prendre le risque, quitte à passer pour présomptueux aux regards des contempteurs de la tauromachie, et peut être d’une partie des aficionados, l’on pourrait souhaiter afficher la même citation à l’entrée de tous les temples taurins que doivent être les arènes. Ceci absolument pas pour rejeter qui que ce soit, contrairement à l’emploi initial de ces types de formules sur des lieus précis, comme par exemple « le Dieu Saint réside ici, aucun profane ne doit entrer », ou encore « le Dieu dit que les femmes ne doivent pas entrer dans le sanctuaire d’Héraklès ». Mais employer la phrase attribuée à Platon, aurait pour objectif d’inviter l’aficionado a los toros, à prêter attention à l’un des fondements du toreo qu’est la géométrie. Et ainsi, de proposer une incitation à la réflexion dans la forme du quatrain de Jean Teztzès au XIIè siècle, écrit comme interprétation de la formule platonicienne, « Nul ne doit entrer sous mon toit, s’il n’est géomètre, c’est à dire, nul ne doit s’introduire ici, s’il n’est juste ; car la géométrie est égalité et justice ».
Il est facile d’observer que la première représentation géométrique pendant la lidia, est euclidienne, à savoir la droite parfaite. Lorsque le taureau sort du toril, ses charges sont rectilignes et stoppées par les capes, donnant un style peu orthodoxe à l’allure de l’animal lorsqu’il remate. La charge droite et franche, est tout aussi visible lorsque le taureau s’engage pour le tercio de varas avec en ligne de mire le groupe équestre. Le matador face au fauve, doit se servir de sa Connaissance afin de rendre courbe cette charge naturelle rectiligne de l’animal, et donc par cela, s’imposer au bovidé. Parvenir à exprimer le bel-art que représente entre autre cette charge modifiée, ne doit-il pas être précédé par l’application stricte et sincère de l’utilisation de l’art dans sa forme servile, pour ensuite emprunter le chemin de l’art libéral afin d’employer le maximum des connaissances taurines pour parvenir au Beau ?
La géométrie, présente jusque dans la division des tercios, doit être employée à l’image de ces constructeurs, tels que Hiram, mais aussi Fibonacci qui s’est entre autre servi de la géométrie à partir d’une observation des mathématiques dans la nature (les lapins, les graines de fleurs de tournesol), et qui se sont ainsi aidé d’elle afin de réaliser de belles choses. Mais l’art des géomètres, c’est aussi des tracés produits avec de seules règles, équerres et compas, pour réaliser ce qui est dénommé « les tracés de Lumière », tels que le carré magique, l’étoile flamboyante, ou le partage d’un segment selon la section d’or. Afin de pouvoir lui aussi parvenir à ce résultat avec le taureau, à savoir effectuer un tracé géométrique avec la seule aide des trastos et de modifier la trajectoire initiale de l’animal en ligne courbe pour s’imposer à lui, le matador doit découvrir l’instant où le bovidé commencera à se soumettre à sa volonté, comme le bâtisseur attend le moment où l’ombre est la plus courte pour indiquer midi plein, et ainsi avoir toute la zone du chantier éclairée d’une même lumière. La géométrie des gestes, qui va rendre la charge brute et rectiligne en pure courbe et travaillée, sera précédée par l’extraction symbolique des aspérités présentées par l’animal, comme le font les artisans de la transformation des matières.
Afin de parvenir à ce résultat dans sa plus grande probité, et ainsi pour que la corrida continue de puiser parmi ses sources et ses forces symboliques cette parenté avec les arts libéraux, il ne faut en aucun cas occulter qu’elle est avant tout un combat. L’emploi du terme d’art libéral se pratiquait déjà à l’Antiquité, et semblait signifier que la Connaissance était du domaine des hommes libres. Libres dans le contexte initial, car détachés des préoccupations étrangères aux loisirs et aux affaires (otium et negotium). Libres nous devons l’être aussi, libre de toute tentation d’aseptisation sociétale qui dénature l’art de Cuchares. Nous devons nous détacher un temps des préoccupations culpabilisatrices que veut nous inculquer un sacro-saint esprit de repentance citoyenne, afin de vivre pleinement notre passion. Ce n’est pas parce que d’autres souffrent que l’on doit s’interdire d’être heureux un temps donné, c’est donc libre de cela pendant un temps défini, que nous devons revendiquer que la corrida est un combat et non une tartufferie. Car dénaturée de sa substantifique moelle, nous, qui nous servons des matadors comme outils allégoriques afin de répondre à nos interrogations existentielles, perdrons les traces de la Connaissance du Vrai que nous offre la tauromachie.
A l’image des Arts Libéraux, qui ne sont aujourd’hui usités que par des initiés et difficilement accessibles aux initiables, car alourdis du regard inquisiteur et de l’incompréhension de ceux et celles qui ne perçoivent pas l’intérêt à cette discipline de l’esprit, la corrida et la tauromachie dans son ensemble, risque de s’afffaiblir et de n’être accessible qu’à ceux et celles qui accepteront une vérité dogmatique. C’est en gardant cette notion de combat, faite de canons et non de dogmes comme le veut l’éveil de la Pensée et de l’Esprit, que les Anciens ont réussi à faire perdurer et à transmettre la Connaissance des arts libéraux. A nous de suivre leurs traces…
La corrida est-elle un art dans son aptitude et son habileté à faire et créer quelque chose, de façon à ce qu’elle s’approcherait des beaux-arts ? Ce bel-art qui se veut être la contemplation du Beau, parfois considéré comme inutile par quelques concitoyens, alors que cela peut être une continuation de l’éveil de l’esprit. Sinon, la corrida serait-elle un art servile ou bien un art libéral ?
L’on ne pourra empêcher quelques personnes de percevoir une connotation péjorative dans la qualification d’art servile. Pourtant, l’homme ayant toujours eu besoin de classer et cloisonner, par nécessité de cataloguer son semblable mais aussi afin de faire progresser sa pensée, a qualifié d’arts serviles ceux qui se rapportent à la transformation de la matière. Il faut tout de même voir dans l’emploi de cet adjectif, la définition comme étant l’état de suivre très étroitement un modèle. Les arts de transformation de la matière, suivent des modèles, des règles précises définies par les Anciens maîtres des métiers.
Il est à noter que dans toutes ces formes d’arts, qu’il soient le beau, le servile ou le libéral, l’intellect est sollicité, car l’homme est convié à la création à partir d’une matière brute. Le matériau brut qui sera transformé en une pièce quel que soit ce matériau (pierre, bois, argile, plastique, alliages ferreux,…), le taureau qui à sa sortie du toril est encore cette matière brute que le matador doit travailler comme un artisan jusqu’au moment de l’estocade, mais encore la pensée qui reste brute si elle n’est pas sollicitée pour travailler et aller vers la Connaissance.
Dans le principal sujet qui nous anime, aficionados a los toros intéressés par les symboles et les rites, l’on constate que la corrida, tout en étant proche par de trop rares moments des beaux-arts, s’apparente aux deux autres formes d’arts, dont le servile. La pensée nécessaire pour la transformation de la matière, que l’on détecte chez l’artisan, l’ouvrier, qui transforme, créé et construit, se retrouve aussi chez le matador digne de ce nom du moment où ce dernier s’emploi honnêtement dans son activité.
Les arts libéraux eux, sont divisés en deux degrés, le Trivium et le Quadrivium. Le trivium regroupe la grammaire, la dialectique, la rhétorique. Trois enseignements qui concernent le pouvoir de la langue. Le quadrivium, second degré des arts libéraux, comme sont nom l’indique, concerne quatre discipline, est considéré comme étant le pouvoir des nombres se rapportant à l’astronomie, la musique, l’arithmétique et la géométrie. Les aficionados a los toros que nous sommes, percevons que parmi ces 7 arts libéraux, 5 sont employés en tauromachie à l’identique des pratiques de quelques mouvements philosophiques initiatiques. Sans vouloir être redondant avec ce qui a par ailleurs été abordé vis à vis des 5 arts libéraux* que l’on retrouve dans la corrida, et pour ne pas s’arrêter aujourd’hui sur chacun de ces arts, car cela donnera matière à d’autres articles prévus en ce sens, il semble convenir que le plus marquant des arts utilisés dans la tauromachie, est celui de la géométrie.
« Nul n’entre ici si il n’est géomètre », était, paraît-il, inscrit sur le fronton de l’Académie platonicienne. Si l’on osait prendre le risque, quitte à passer pour présomptueux aux regards des contempteurs de la tauromachie, et peut être d’une partie des aficionados, l’on pourrait souhaiter afficher la même citation à l’entrée de tous les temples taurins que doivent être les arènes. Ceci absolument pas pour rejeter qui que ce soit, contrairement à l’emploi initial de ces types de formules sur des lieus précis, comme par exemple « le Dieu Saint réside ici, aucun profane ne doit entrer », ou encore « le Dieu dit que les femmes ne doivent pas entrer dans le sanctuaire d’Héraklès ». Mais employer la phrase attribuée à Platon, aurait pour objectif d’inviter l’aficionado a los toros, à prêter attention à l’un des fondements du toreo qu’est la géométrie. Et ainsi, de proposer une incitation à la réflexion dans la forme du quatrain de Jean Teztzès au XIIè siècle, écrit comme interprétation de la formule platonicienne, « Nul ne doit entrer sous mon toit, s’il n’est géomètre, c’est à dire, nul ne doit s’introduire ici, s’il n’est juste ; car la géométrie est égalité et justice ».
Il est facile d’observer que la première représentation géométrique pendant la lidia, est euclidienne, à savoir la droite parfaite. Lorsque le taureau sort du toril, ses charges sont rectilignes et stoppées par les capes, donnant un style peu orthodoxe à l’allure de l’animal lorsqu’il remate. La charge droite et franche, est tout aussi visible lorsque le taureau s’engage pour le tercio de varas avec en ligne de mire le groupe équestre. Le matador face au fauve, doit se servir de sa Connaissance afin de rendre courbe cette charge naturelle rectiligne de l’animal, et donc par cela, s’imposer au bovidé. Parvenir à exprimer le bel-art que représente entre autre cette charge modifiée, ne doit-il pas être précédé par l’application stricte et sincère de l’utilisation de l’art dans sa forme servile, pour ensuite emprunter le chemin de l’art libéral afin d’employer le maximum des connaissances taurines pour parvenir au Beau ?
La géométrie, présente jusque dans la division des tercios, doit être employée à l’image de ces constructeurs, tels que Hiram, mais aussi Fibonacci qui s’est entre autre servi de la géométrie à partir d’une observation des mathématiques dans la nature (les lapins, les graines de fleurs de tournesol), et qui se sont ainsi aidé d’elle afin de réaliser de belles choses. Mais l’art des géomètres, c’est aussi des tracés produits avec de seules règles, équerres et compas, pour réaliser ce qui est dénommé « les tracés de Lumière », tels que le carré magique, l’étoile flamboyante, ou le partage d’un segment selon la section d’or. Afin de pouvoir lui aussi parvenir à ce résultat avec le taureau, à savoir effectuer un tracé géométrique avec la seule aide des trastos et de modifier la trajectoire initiale de l’animal en ligne courbe pour s’imposer à lui, le matador doit découvrir l’instant où le bovidé commencera à se soumettre à sa volonté, comme le bâtisseur attend le moment où l’ombre est la plus courte pour indiquer midi plein, et ainsi avoir toute la zone du chantier éclairée d’une même lumière. La géométrie des gestes, qui va rendre la charge brute et rectiligne en pure courbe et travaillée, sera précédée par l’extraction symbolique des aspérités présentées par l’animal, comme le font les artisans de la transformation des matières.
Afin de parvenir à ce résultat dans sa plus grande probité, et ainsi pour que la corrida continue de puiser parmi ses sources et ses forces symboliques cette parenté avec les arts libéraux, il ne faut en aucun cas occulter qu’elle est avant tout un combat. L’emploi du terme d’art libéral se pratiquait déjà à l’Antiquité, et semblait signifier que la Connaissance était du domaine des hommes libres. Libres dans le contexte initial, car détachés des préoccupations étrangères aux loisirs et aux affaires (otium et negotium). Libres nous devons l’être aussi, libre de toute tentation d’aseptisation sociétale qui dénature l’art de Cuchares. Nous devons nous détacher un temps des préoccupations culpabilisatrices que veut nous inculquer un sacro-saint esprit de repentance citoyenne, afin de vivre pleinement notre passion. Ce n’est pas parce que d’autres souffrent que l’on doit s’interdire d’être heureux un temps donné, c’est donc libre de cela pendant un temps défini, que nous devons revendiquer que la corrida est un combat et non une tartufferie. Car dénaturée de sa substantifique moelle, nous, qui nous servons des matadors comme outils allégoriques afin de répondre à nos interrogations existentielles, perdrons les traces de la Connaissance du Vrai que nous offre la tauromachie.
A l’image des Arts Libéraux, qui ne sont aujourd’hui usités que par des initiés et difficilement accessibles aux initiables, car alourdis du regard inquisiteur et de l’incompréhension de ceux et celles qui ne perçoivent pas l’intérêt à cette discipline de l’esprit, la corrida et la tauromachie dans son ensemble, risque de s’afffaiblir et de n’être accessible qu’à ceux et celles qui accepteront une vérité dogmatique. C’est en gardant cette notion de combat, faite de canons et non de dogmes comme le veut l’éveil de la Pensée et de l’Esprit, que les Anciens ont réussi à faire perdurer et à transmettre la Connaissance des arts libéraux. A nous de suivre leurs traces…
* « L’équerre, le compas, les toros » aux éditions CAIRN, pages 75 et 76.
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