mardi 5 mai 2009

Guide l'aficionado, FSTF, 1976.


En attendant de terminer la rédaction d’un prochain article pour ces colonnes, article qui sera proposé d'ici quelques jours et qui traitera des arts libéraux et la corrida, je me suis plongé dans ma modeste bibliothèque, et mon attention fût portée sur un ouvrage que je croise depuis bon nombres d’années. Depuis le temps que je possède ce « Guide de l’aficionado », j’ai enfin pris le temps de le consulter à nouveau ces jours-ci. Je garde le souvenir d’avoir lu très jeune cet ouvrage publié en 1976 par la « Fédération des Sociétés Taurines de France ».
Je me rappelle très bien l’avoir vu chez moi depuis l’enfance, et qu’il avait été acheté en 1977. La mémoire permet parfois de ce rappeler des instants paraissant futiles, peut être pour amenuiser de tristes évènements qui se produisent au même moment. J’avais donc 10 ans lorsque j’en ai ouvert les pages pour la première fois, et que je découvrais parmi les membres du bureau de la section corrida de la fédération, les noms de personnes dont je lirai pour certains des articles dans la revue « TOROS », que je me procure la première fois au mois d’avril 1984 avec le numéro 1224. Ou d’autres que je croiserai dans les tertulias de « l’Union Taurine Biterroise », mais aussi un autre nom avec lequel j’aurai le plaisir, plus de 30 ans après, à partager le cartel lors d’un colloque de « l’Union des Bibliophiles Taurins de France ».

Ce « Guide de l’aficionado » est intéressant à plusieurs titres. Il permet de découvrir ou de ce remémorer, les villes françaises des années 70 où étaient célébrées des corridas, mais aussi il propose un voyage dans l’histoire. Le tout, sous la plume d’aficionados sincères, en quêtes d’une passion de qualité intègre.
L’ouvrage aborde tout d’abord la France, en énumérant le calendrier des corridas et novilladas avec picadors. Fréjus et Toulouse y sont mentionnées, mais aussi Bessan dans l’Hérault (souvenirs d’enfants). Orthez se positionnait déjà le 4ème dimanche de juillet dans le calendrier taurin français, et Parentis organisait une novillada en juillet et une en août. Céret programmait des novilladas le 14 juillet ainsi que les seconds et troisièmes dimanches du même mois. Vic-Fezensac et Nîmes se partageaient déjà le week-end de Pentecôtes, avec trois corridas chacune, agrémentées d’une novillada nocturne le samedi pour la cité gardoise.

Dans l’avertissement au lecteur qui débute le guide, il est brièvement expliqué comment sont articulés les organisations des corridas autour de dates particulières, comme les fêtes patronales, religieuses ou bien patriotiques. Il est même fait allusion qu’en France « les empresas répugnent à organiser en fin de mois où les bourses sont normalement plus plates qu’au début ». Il n’est toutefois pas précisé, lesquels des différents organisateurs craignait de tâter la platitude boursière éventuelle des fins de mois. Suit une rapide précision sur les fêtes mobiles.
Vient alors un paragraphe répertorié dans le sommaire, comme « dictionnaire des villes taurines », listant les directions des différentes arènes, leurs représentants, le lieu de location des places, les dates des spectacles ainsi que des clubs taurins fédérés villes par villes. Une liste des autres clubs taurins fédérés, pour les associations se trouvant dans des localités qui ne présentent pas de corridas ou de novilladas, vient compléter le sujet.

Bien entendu, une grande place est faite à l’Espagne dans ce « Guide de l’aficionado », avec principalement le calendrier des ferias les plus importantes, mais aussi une présentation des quatre grandes ferias espagnoles de l’époque, à savoir chronologiquement dans l’ouvrage, Sevilla, Madrid, Pamplona, Bilbao. Auxquelles s’ajoute les Fallas de Valencia, qualifiée de « feria folklorique ».

Le guide de la FSTF nous invite au voyage dans l’histoire de chacune des ferias évoquées. Pour la capitale andalouse, le point de départ est 1847, année de la création de la feria de Sevilla par Isabelle II, lorsqu’elle institua un « marché annuel destiné à accroître les richesses agricoles et le cheptel de la région », tout en précisant que la présence de deux foires, l’une au printemps l’autre à l’automne, remonte au XIIIè siècle sous Alphonse le Sage.

Concernant Madrid, c’est l’histoire de San Isidro qui débute le chapitre, pour ensuite fixer la feria madrilène avec sa première course de toros donnée le 25 mai 1648 comme il est relevé dans les chroniques de l’époque. Il est aussi relaté le cheminement des différentes constructions d’arènes, jusqu’à l’édification de la plaza actuelle.
Mentionnant Livinio Stuyck et son arrivée à la tête de l’empresa madrilène en 1948, qui passa des 2 à 4 corridas annuelles aux 21 de l’année 1975, ce « Guide de l’aficionado » prend le temps d’expliquer la méthodologie nécessaire afin d’assister à la San Isidro tout en étant un aficionado français en ces années 70. Il est à noter que les rédacteurs du guide, suggèrent au lecteur désireux de voir quelques unes des corridas du cycle isidril, de prendre place sur les tendidos madrileños lors des courses données la dernière semaine de la feria, car elles offrent les meilleurs cartels.

Le périple proposé, amène l’aficionado à poursuivre le voyage vers Pamplona pour la San Fermin. La cité navarraise qui possède la particularité de fêter son Saint au mois de juillet, alors que la Saint Firmin se célèbre le 10 octobre.
Le chapitre concernant Pamplona est lui aussi très complet, il aborde l’histoire de Ferminus, le déroulement des encierros matinaux et les trois opérations qui les accompagnent, ainsi que les manifestations folkloriques qui composent la San Fermin telles que les Zaldikos, Kiliquis, ou encore les jeux matinaux de forces Basques. Sans oublier les activités débordantes des peñas.
La présentation des corridas à Pamplona se termine par la narration de l’évolution historique des différentes arènes de la ville et de ses spectacles taurins, remarquant que les toros dans la cité navarraise se concentrent presque exclusivement autour de la semaine dédiée à Saint Firmin. Des dernières précisions sont données à l’aficionado français en quête de ce voyage, notamment que contrairement au règlement taurin alors en vigueur, si un matador est remplacé ou bien si la pluie annule la corrida, le billet ne sera pas remboursé.

Bilbao et la Semana Grande poursuit le périple proposé, et l’on sent dès les premières lignes, une pointe de nostalgie devant la perte des valeurs taurines qui faisaient la grandeur de la feria de Bilbao à l’époque des Lalanda et Ortega. La moitié du chapitre, soit deux pages, traite du changement de comportement de ce public des arènes de Bilbao.
Comme la feria de Bilbao est « totalement dépourvue de contexte folklorique », les rédacteurs de ce « Guide de l’aficionado » terminent le chapitre en donnant quelques conseils pour assister à l’apartado.

« Après ces quatre grandes ferias sérieuses, nous pouvons proposer à l’aficionado un déplacement qui, pour ne pas être d’un intérêt tauromachique particulier, n’en restera pas moins dans son souvenir à cause d’un environnement folklorique exceptionnel : les FALLAS de Valencia ». Tout est dit, ou presque, dans l’introduction du chapitre consacré à la cité du Levante.
Ici aussi il est proposé un retour historique sur l’origine d’une falla, ainsi que le déroulement de la despertá, un réveil à 7 heures du matin avec les chapelets de pétards, puis la mascletá, et la nit de Foc (nuit de feu).
Quatre pages sont consacrées aux corridas depuis le premier droit « au rapport des courses de toros en la ville de Valencia pour le temps de trois vies », qui remonte au 27 janvier 1612. La grande connaissance tauromachique des signataires de ce « Guide de l’aficionado », nous permet de voyager dans l’histoire des toros à Valencia, du XVIIè siècle aux années 1970. En passant par 1921 où ses dernières commencèrent à être organisées dans le cadre des Fallas, « à cause de Manolo Granero » comme il est précisé dans le guide. Manolo Granero, torero valencien, en qui ses supporters voyaient le successeur de Joselito. L’année qui suivit sa mort, il n’y eut plus de corridas jusqu’en 1927, pour reprendre ensuite devant l’accession au premier plan de deux autres toreros locaux, Enrique Torres et Vicente Barrera.

Les dernières pages du guide, font un rapide petit tour de la presse taurine de l’époque, papier ou télévisuelle en passant par la radio, qu’elle soit entièrement dédiée à l’art de Cuchares ou bien proposant des rubriques taurines ici ou là.

Tout au long de la lecture de l’ouvrage, l’on ressent l’afición des rédacteurs, qui n’hésitent pas à nous faire partager l’étendue de leurs connaissances historico-taurines, mais aussi leurs expériences pratiques pour se procurer des places, pour être hébergé et se restaurer, mais aussi en matière climatique. Donnant même un petit conseil, afin d’éviter d’attraper le constipado lors du déjeuné en plein air à la Venta del Batán. Conseil que les adorateurs de la bonne morale d’une société aseptisée, réprouveraient de nos jours.

Un guide rédigé par des érudits, agrémenté de 26 photos en noir et blanc d’un format d’une moitié de page ou bien d’une pleine page, parmi lesquelles l’on peut voir le « Niño de la Capea » à Lunel, mais aussi un superbe derechazo donné de face et pieds joints dans les arènes d’Arles par un novillero de l’époque nommé « Nimeño II », ou encore José Falcon aux palos dans les arènes de Toulouse mais aussi à puerta cerrada dans les arènes de Salamanca.

Ce « Guide de l’aficionado » de 95 pages, format 15x20, est sorti des presses de l’imprimerie Barnier le 30 avril 1976. Un ouvrage agréable, à ne pas hésiter de se procurer pour qui le croise au hasard d’étalages de bouquinistes ou de libraires. Un livre grâce auquel l’on peut découvrir ou redécouvrir nos villes taurines des années 70, mais aussi se replonger dans l’histoire tauromachique.

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