dimanche 26 juillet 2009

Verticalité, horizontalité.


« Le torero est la ligne verticale, le taureau est la ligne horizontale ». Cette phrase écrite par Nadège Vidal dans son dernier livre « Une saison sans taureaux »*, n’est pas dénuée d’intérêt si l’on veut prendre le temps de s’y arrêter. Une phrase qui invite à réfléchir sur sa propre conception taurine, une réflexion qui pourrait passer pour une digression au regard de l’aficionado attiré par les seules réséñas et autres étalages de sciences taurines, mais pour peu que l’on aime et ose sortir des sentiers battus tauromachiques, l’on se rend compte que cette verticalité et cette horizontalité exprimées, reflètent bien un ressenti chez l’aficionado a los toros.
Il n’est pas besoin d’être un spécialiste du symbolisme et des figurations allégoriques afin de percevoir que l’association de la verticale et de l’horizontale représente une équerre, où le sommet de celle-ci se trouve figuré par le leurre, le capote, la muleta. L’équerre qui dans le symbolisme représente la rectitude dans l’action, ou encore l’espace, mais aussi l’action du bien dans l’intérêt des « frères » pour celle accrochée sur le sautoir du Vénérable Maître d’une loge maçonnique. Lorsque l’équerre est déséquilibrée, en forme de « L », elle représente l’activité et le dynamisme, a contrario, l’équerre dite équilibrée en forme de « T » symbolise l’actif et le passif. En résumé, elle est la représentation allégorique de la rectification et l’ordonnation de la matière.

Une équerre lorsqu’elle est multipliée par quatre, forme la croix, une croix entre autre symbole de religion. Est-ce par un toréo figurant l’équerre figée et donc indirectement la croix, que des toreros « modernes » deviennent des Dieux vivants de la religion taurine ?
Cette équerre représentée lors du toréo « tomasiste » actuellement de mode, possède la particularité non pas d’avoir le sommet par le seul leurre, malheureusement ramené à la simple muleta alors que toréer cela se réalise aussi de cape, mais un sommet de cette équerre allégorique trop souvent placé dans la chair. Ce qui permet au public mais aussi aux commentateurs taurins, de rendre compte des trophées éventuels et des coups de cornes reçus. Des blessures que l’on veut faire apparaître comme autant de gage de bon toréo chez les « modernes », alors que si l’on se remémore quelques bases taurines, l’on sait que lorsque le matador se fait accrocher, c’est quasiment toujours suite à une erreur de sa part.
Par sa verticalité et l’horizontalité du toro se trouvant face à lui, par cette équerre symbolique, les admirateurs du torero disent qu’il effectue de nouveaux tracés du toréo. L’équerre, symbole des constructeurs, lui permet d’édifier, une tauromachie dans des terrains jusqu’alors inconstructibles. Pourtant, l’on sait que toute construction bâtie sur des terrains impropres, a pour destinée de s’effondrer, même à long terme. Construire une tauromachie dite moderne, sur les bases inverses aux canons taurins, amène tout naturellement à l’effondrement des fondamentaux tauromachiques. N’ayant plus de repères, les nouvelles générations d’aficionados qui n’auront pas l’envie de lire le Tio Pepe par exemple, perdront à jamais cette perception de ce que doit être la corrida.

Alors que toréer est s’imposer à la matière brute du toro, de tailler cette matière pour en faire un chef d’œuvre tauromachique, alors que l’artisan amène la matière à lui sur son plan de travail, voilà que l’artisan taurin dit moderne veut maintenant aller à l’encontre des racines mêmes de son art. Il va vers la matière, le toro, et ne cherche pas à la faire venir à lui. Il est vrai que poser cette matière sur l’établie permet dans voir les moindres aspérités, d’avoir l’ensemble des outils a proximité et donc de démontrer que l’on excelle dans son art en ayant tout loisir de travailler à son aise. A l’inverse, celui qui travaille au sein de la carrière ne prenant pas la peine d’extraire davantage le minerai, ne se donne pas le temps d’observer, de se rendre compte des difficultés occasionnées lors de l’extraction et donc de la nature même de la pierre, de comprendre les aspérités qu’offre la matière. Il donne par contre l’impression d’une maîtrise technique, tout simplement parce qu’il n’effectue pas sa tâche comme les autres artisans. Mais ne pas faire comme les autres, afin de se donner un style et sembler ainsi être en dehors de la masse, n’est pas forcément un gage de qualité.

Pour être efficient dans son domaine, l’artisan doit manier les outils suivant des méthodes ancestrales. Aller contre cela, passer pour un pseudo révolutionnaire en proposant une « nouvelle » façon de créer, de bâtir une œuvre, masque parfois une incapacité à appliquer les bases mêmes de son Art. L’équerre symbolique figurée par la verticalité du torero et l’horizontalité du toro, doit avant tout de permettre l’exécution d’un tracé tauromachique s’imposant à la matière brute représentée par la nature elle même du bicho.
Dans le symbolisme justemment, l’équerre sert à mesurer la terre et à tracer le carré. Ce carré, d’où est issu le cercle comme le démontre si bien la construction de la spirale de l’escargot à la manière de Fibonacci. C’est à ce stade que l’équerre s’associe au compas, représenté par la position des pieds du matador. L’association équerre-compas effectuant le tracé de la courbe, créant ainsi les conditions pour dominer le toro, changer la nature rectiligne de sa charge naturelle afin de la rendre circulaire suivant la volonté de l’homme.

En Chine, l’équerre fût portée par Fu-Shi comme reflet de ses vertus magiques lui conférant un statut de sainteté. C’est pour cela qu’elle est devenue l’un des emblèmes de l’Empereur. Le torero voulant devenir un Empereur du monde tauromachique, doit avant tout maîtriser sa verticalité, l’horizontalité du toro, donc cette équerre symbolique, en respectant aussi les valeurs de probité et de justice qu’elle représente. Et pour cela, il lui faudra bâtir son œuvre suivant les règles de l’architecture taurine, savoir représenter une équerre en forme de « T »et non pas de « L » comme l’on a tendance à le voir trop souvent. Donner la bonne proportion aux branches de l’équerres, c’est savoir donner coordonner l’harmonie de la verticalité et de l’horizontalité, et donc respecter les fondements du toreo, de la lidia.


« Une saison sans taureaux » de Nadège Vidal, éditions Cairn, mars 2009. ISBN 978-2-35068-138-2.

1 commentaire:

bruno a dit…

Lionel,
Perso avec un language moins léché
ma con ception taurine releve d'un abecedaire qui hors geometrie doit tenir compte de tous les tenants et aboutissants d'une faena...
pour moi c'est le respect des trois tiers ,l'adequation entre le "toro" et le torero et ce qu'il soit bon ou non,le respect d'un public trop souvent demandeur de spectacle et l'engagement de l'empresa de respecter les cochons de payeurs...
Suis hors sujet peut etre mais pour reprendre des termes de geometie suis un atypique et suis pas d'equerre avec bon nombre d 'aficionados je n'aime pas les choses carres voire cartesiennes etle redondel est le cercle de mes pensees meme si bon nombre de "m'as tu vu" me sont diametralement opposes because z'en connaissent parait il un rayon.
ciao bruno trapeziste en voie de disparition.