Un jour du mois de juin de l’An de grâce 2009, la grande porte des arènes de Las Ventas de Madrid s’est ouverte, pour laisser passer un Torero porté en triomphe. De la presse aux blogs taurins, quasiment tout le monde a salué son magistral et ultime combat sur le sable madrileño,
Luis-Francisco Esplà va bientôt se retirer des arènes, même si à en croire les hommages qui lui sont rendus suite à sa dernière prestation madrilène, l’on pourrait penser qu’il est déjà parti, comme si après Madrid plus rien ne devait exister. Tout au long des hommages, les mots employés ici ou là, laissent poindre le souvenir à jamais perdu, celui que l’on veut se remémorer car l’on sait qu’il ne sera plus jamais ressenti avec autant d’intensité. Mais aussi, le départ du maestro Esplà représente inconsciemment, une partie de nous même qui s’en va. Ce constat est d’autant plus amer, si l’on a la chance de l’avoir vu à plusieurs reprises.
Je fais parti des ces aficionados a los toros, qui ont eu le bonheur d’être initié très jeune aux mystères taurins, de cette génération qui a vu enfant les débuts d’Esplà. Enfant, certes, mais juste assez grand pour pouvoir garder présent à l’esprit une corrida vue en direct sur TVE, où étaient combattus des toros de Victorinos Martin, au mois de juin 1982, une corrida lors de laquelle Luis-Francisco partageait le cartel avec Francisco Ruiz-Miguel et José Luis Palomar, et qui fût qualifiée de corrida del siglo.
Esplà est non seulement un matador de toros, mais plus encore, un Torero devenu Un Initié aux mystères taurins mais aussi à ceux de la Vie. Il est de ces hommes, pour qui la passion se conjugue avec d’autres centres d’intérêts, qui permettent ainsi de garder le recul nécessaire pour vivre avec force et intensité, afin que justement cette passion ne soit pas trop étouffante voire intellectuellement obscurantiste.
Luis-Francisco a construit son toreo tout au long de plus de trente années d’alternative, au point de devenir lui-même un architecte de la lidia dans sa globalité. Un bâtisseur au même titre que d’autres architectes oeuvrant dans des domaines différents, ont fini par entrer au panthéon de l’Histoire, et parfois de voir se forger autour d’eux, une légende millénaire qui perdure de nos jours. Esplà va entrer dans la légende tauromachique, même si l’on rencontre encore quelques aficionados qui vont lui trouver des défauts (mais sont-ils eux-mêmes exemplaires ?), de ces aficionados qui en ce moment ne font qu’un avec les louanges ayant fusés ces premiers jours du mois de juin. Luis-Francisco va donc entrer dans la légende, pas de ces légendes préfabriquées qui remplissent les tendidos sur leurs seuls noms, alors qu’elles se « construisent » avec des toros qui n’ont pas grand chose de bravo, si ce n’est le qualificatif de brave dans le sens parfois employé dans mon midi natal. Non, Esplà est de la lignée de ces Toreros légendaires, qui à divers moment de leurs carrières, ont ouverts leurs portes intérieures afin de Connaître et de Se Connaître.
Pour cela, il touche à divers Arts, manuels, mais aussi intellectuels, de la peinture à son intérêt pour l’histoire. Je ne sais si il est initié dans un quelconque mouvement philosophique, et peu importe d’ailleurs, car cela ne fait pas la seule grandeur d’un homme. Le plus important est que, tel Hiram Abi qui fût l’architecte du temple du roi Salomon et dont la légende nous rapporte qu’il maîtrisait divers arts allant de la connaissance des métaux à celle de la pierre, auxquels il joignait la pratique de la pensée, le maestro Luis-Francisco Esplà est un torero entier et professionnel. Il peut s’enorgueillir d’être dans la droite filiation des ces architectes bâtisseurs, qui pratiquèrent leur art mais aussi l’art royal, c’est à dire la pensée qui permet de cheminer. Il est de ceux pour qui le Toro est un idéal de vie, un idéal qui ouvre à l’Autre et aux Autres, de part le travail intellectuel que nécessite la compréhension globale de cet animal et de l’art de le combattre.
Esplà est Un Initié aux mystères taurins, non pas parce qu’il est torero de profession, mais parce qu’il est Torero dans la vie. Il connaît ce que nous ne connaîtrons jamais, nous aficionados a los toros, il combat le toro, alors que nous, nous regardons. Il a appris le toro, la tauromachie dans son ensemble ainsi que ses mystères les plus subtils, il connaît les différents arts qui composent l’esprit taurin.
C’est peut être cela qui aiguise notre amertume à le voir partir. Nous avançons au sein de l’espace et du temps de notre passage sur la terre des hommes, et les simples mortels que nous sommes, voyons par sa retraite des ruedos, la notre qui se profile et tout ce qu’elle représente aux yeux de la société aseptisée qui se met en place un peu plus chaque jour renforcée dans sa version bio-bio. Cette retraite, la notre mais aussi celle du maestro Esplà, renvoie au constat que nous sommes tous en quête d’immortalité. Avoir des enfants en est une inconsciente, s’impliquer dans une passion ou bien un centre d’intérêt en est une autre, puisque beaucoup rêvent secrètement de marquer de son passage par son engagement, en est une autre plus consciente.
Le départ d’un maestro tel que lui, nous met face à une réalité, celle que pour parvenir à l’immortalité symbolique recherchée, le travail doit être bien plus grand que celui effectué jusqu’alors. A regarder maintenant l’ensemble de la carrière du maestro, et le savoir au porte de la légende et donc de l’immortalité, nous mesurons son travail accomplit et parallèlement celui qu’il nous reste à accomplir, et qui ne sera probablement qu’un rêve, un fantasme, jamais réalisé.
Toutefois, pour que le maestro Luis-Francisco Esplà reste tout en haut de la légende tauromachique, il ne faudra pas que les générations montantes, qui à tout juste vingt ans ont des avis sur tout et surtout des avis, galvaudent la réalité qui fût celle de sa carrière. Les filtres des années, les confusions de la mémoire au fils du temps, offrent le risque d’une telle dérive. Si nous, aficionados a los toros pleinement acteurs de notre génération, transmettons le seul souvenir du torero en enluminant la carte postale afin qu’elle jaunisse le plus tard possible, non seulement nous ne serons pas fidèle à la réalité, mais nous n’honorerons pas l’esprit qu’a tenté d’insuffler le maestro tout au long de sa carrière.
Espiègle, malicieux, il peut aussi être reproché à Luis-Francisco Esplà d’avoir fait le minimum devant quelques toros combattus, il n'est pas parfait comme nous tous. Mais il restera de ces Toreros qui à plus de 50 ans, sont encore à l’affiche d’arènes telles que Vic cette année, ou bien de Céret l’an passé, alors que d’autres beaucoup plus jeunes, baissent sûrement les yeux lorsque ces empresas demandent qui veut venir affronter les élevages retenus dans ces ruedos.
De sa prestation madrilène du moi de juin 1982, à celle toujours madrilène de ce mois de juin 2009, Luis-Francisco Esplà a montré toutes les facettes du toreo, des toreros et par cela des hommes. Pour peu que l'on veuille bien voir en lui autre chose qu'un homme qui combat les toros, de par sa conception de la tauromachie et à travers elle de la vie, il nous a renvoyé à nous-même, à notre complexité intérieure, mais aussi face à nos réalités. C’est en cela que je garderai le souvenir de ce grand Torero, car ma retraite est encore loin, je dois encore cheminer, et la carrière de ce torero n’est pas dénuée d’intérêt taurins et humanistes. Gracias Maestro !
Luis-Francisco Esplà va bientôt se retirer des arènes, même si à en croire les hommages qui lui sont rendus suite à sa dernière prestation madrilène, l’on pourrait penser qu’il est déjà parti, comme si après Madrid plus rien ne devait exister. Tout au long des hommages, les mots employés ici ou là, laissent poindre le souvenir à jamais perdu, celui que l’on veut se remémorer car l’on sait qu’il ne sera plus jamais ressenti avec autant d’intensité. Mais aussi, le départ du maestro Esplà représente inconsciemment, une partie de nous même qui s’en va. Ce constat est d’autant plus amer, si l’on a la chance de l’avoir vu à plusieurs reprises.
Je fais parti des ces aficionados a los toros, qui ont eu le bonheur d’être initié très jeune aux mystères taurins, de cette génération qui a vu enfant les débuts d’Esplà. Enfant, certes, mais juste assez grand pour pouvoir garder présent à l’esprit une corrida vue en direct sur TVE, où étaient combattus des toros de Victorinos Martin, au mois de juin 1982, une corrida lors de laquelle Luis-Francisco partageait le cartel avec Francisco Ruiz-Miguel et José Luis Palomar, et qui fût qualifiée de corrida del siglo.
Esplà est non seulement un matador de toros, mais plus encore, un Torero devenu Un Initié aux mystères taurins mais aussi à ceux de la Vie. Il est de ces hommes, pour qui la passion se conjugue avec d’autres centres d’intérêts, qui permettent ainsi de garder le recul nécessaire pour vivre avec force et intensité, afin que justement cette passion ne soit pas trop étouffante voire intellectuellement obscurantiste.
Luis-Francisco a construit son toreo tout au long de plus de trente années d’alternative, au point de devenir lui-même un architecte de la lidia dans sa globalité. Un bâtisseur au même titre que d’autres architectes oeuvrant dans des domaines différents, ont fini par entrer au panthéon de l’Histoire, et parfois de voir se forger autour d’eux, une légende millénaire qui perdure de nos jours. Esplà va entrer dans la légende tauromachique, même si l’on rencontre encore quelques aficionados qui vont lui trouver des défauts (mais sont-ils eux-mêmes exemplaires ?), de ces aficionados qui en ce moment ne font qu’un avec les louanges ayant fusés ces premiers jours du mois de juin. Luis-Francisco va donc entrer dans la légende, pas de ces légendes préfabriquées qui remplissent les tendidos sur leurs seuls noms, alors qu’elles se « construisent » avec des toros qui n’ont pas grand chose de bravo, si ce n’est le qualificatif de brave dans le sens parfois employé dans mon midi natal. Non, Esplà est de la lignée de ces Toreros légendaires, qui à divers moment de leurs carrières, ont ouverts leurs portes intérieures afin de Connaître et de Se Connaître.
Pour cela, il touche à divers Arts, manuels, mais aussi intellectuels, de la peinture à son intérêt pour l’histoire. Je ne sais si il est initié dans un quelconque mouvement philosophique, et peu importe d’ailleurs, car cela ne fait pas la seule grandeur d’un homme. Le plus important est que, tel Hiram Abi qui fût l’architecte du temple du roi Salomon et dont la légende nous rapporte qu’il maîtrisait divers arts allant de la connaissance des métaux à celle de la pierre, auxquels il joignait la pratique de la pensée, le maestro Luis-Francisco Esplà est un torero entier et professionnel. Il peut s’enorgueillir d’être dans la droite filiation des ces architectes bâtisseurs, qui pratiquèrent leur art mais aussi l’art royal, c’est à dire la pensée qui permet de cheminer. Il est de ceux pour qui le Toro est un idéal de vie, un idéal qui ouvre à l’Autre et aux Autres, de part le travail intellectuel que nécessite la compréhension globale de cet animal et de l’art de le combattre.
Esplà est Un Initié aux mystères taurins, non pas parce qu’il est torero de profession, mais parce qu’il est Torero dans la vie. Il connaît ce que nous ne connaîtrons jamais, nous aficionados a los toros, il combat le toro, alors que nous, nous regardons. Il a appris le toro, la tauromachie dans son ensemble ainsi que ses mystères les plus subtils, il connaît les différents arts qui composent l’esprit taurin.
C’est peut être cela qui aiguise notre amertume à le voir partir. Nous avançons au sein de l’espace et du temps de notre passage sur la terre des hommes, et les simples mortels que nous sommes, voyons par sa retraite des ruedos, la notre qui se profile et tout ce qu’elle représente aux yeux de la société aseptisée qui se met en place un peu plus chaque jour renforcée dans sa version bio-bio. Cette retraite, la notre mais aussi celle du maestro Esplà, renvoie au constat que nous sommes tous en quête d’immortalité. Avoir des enfants en est une inconsciente, s’impliquer dans une passion ou bien un centre d’intérêt en est une autre, puisque beaucoup rêvent secrètement de marquer de son passage par son engagement, en est une autre plus consciente.
Le départ d’un maestro tel que lui, nous met face à une réalité, celle que pour parvenir à l’immortalité symbolique recherchée, le travail doit être bien plus grand que celui effectué jusqu’alors. A regarder maintenant l’ensemble de la carrière du maestro, et le savoir au porte de la légende et donc de l’immortalité, nous mesurons son travail accomplit et parallèlement celui qu’il nous reste à accomplir, et qui ne sera probablement qu’un rêve, un fantasme, jamais réalisé.
Toutefois, pour que le maestro Luis-Francisco Esplà reste tout en haut de la légende tauromachique, il ne faudra pas que les générations montantes, qui à tout juste vingt ans ont des avis sur tout et surtout des avis, galvaudent la réalité qui fût celle de sa carrière. Les filtres des années, les confusions de la mémoire au fils du temps, offrent le risque d’une telle dérive. Si nous, aficionados a los toros pleinement acteurs de notre génération, transmettons le seul souvenir du torero en enluminant la carte postale afin qu’elle jaunisse le plus tard possible, non seulement nous ne serons pas fidèle à la réalité, mais nous n’honorerons pas l’esprit qu’a tenté d’insuffler le maestro tout au long de sa carrière.
Espiègle, malicieux, il peut aussi être reproché à Luis-Francisco Esplà d’avoir fait le minimum devant quelques toros combattus, il n'est pas parfait comme nous tous. Mais il restera de ces Toreros qui à plus de 50 ans, sont encore à l’affiche d’arènes telles que Vic cette année, ou bien de Céret l’an passé, alors que d’autres beaucoup plus jeunes, baissent sûrement les yeux lorsque ces empresas demandent qui veut venir affronter les élevages retenus dans ces ruedos.
De sa prestation madrilène du moi de juin 1982, à celle toujours madrilène de ce mois de juin 2009, Luis-Francisco Esplà a montré toutes les facettes du toreo, des toreros et par cela des hommes. Pour peu que l'on veuille bien voir en lui autre chose qu'un homme qui combat les toros, de par sa conception de la tauromachie et à travers elle de la vie, il nous a renvoyé à nous-même, à notre complexité intérieure, mais aussi face à nos réalités. C’est en cela que je garderai le souvenir de ce grand Torero, car ma retraite est encore loin, je dois encore cheminer, et la carrière de ce torero n’est pas dénuée d’intérêt taurins et humanistes. Gracias Maestro !
5 commentaires:
L'ami Lionel suis furax car j'avais ecrit un tranche de littétaire ,pas du Rousseau ou autre mais un truc sympa qui me faisait bander les neurones ,moi qui me suis barré des blogs sous des fracasos immondes.
Alors je vais te remercie de ton billet taurin car il ne merite que louanges et pas critique et je crois avoir humé ce soir la ,avec Luis Francisco Espla que ce torero quasi de mon age, mais moi surement pas de son talent,j'ai ressenti ce qu'il m'avait toujours fait sentir un torero sobre ,efficace ....a gusto pas de fioritures de morbo ou de bailador
le toreo dans toute sa définition et je n'ai qu'un regret c'est que nous ayons été plus de deux a le regarder.
ciao
bruno
De belles visites ce jour, Puntilla à qui j'ai répondu suite à son commentaire, et toi mon ami Bruno, qui me couvre d'éloge. Moi non plus je ne suis pas à la hauteur du maestro, mais même si les dogmes ne sont pas bons à suivre, il y des personnes qui sont à observer. Abrazo !
mais qu'il est beau espla dans ce contraste ville et ruedo. qui autre que lui peut se le permettre ?
merci pour cet article lionel.
cet endroit, le tien , est comme le dit bruno à propos du maestro sobre. mais passionné. enhorabuena.
ludo
en effet, j'ai trouvé cette image superbe (prise lors de la célébration de ses 30 ans d'alternative), et tout à fait en harmonie avec ce que je ressents à propos du maestro. Je crois même qu'il est venu visiter ce texte, puisque je l'ai vu en lien sur sa page d'une plateforme communautaire.
Un blog est le reflet de son animateur. Me concernant, pssionné, surement. Sobre, je n'en sais rien, sur les tendidos et dans mes choix taurins (du toro, et encore du toro), oui. Mais j'ai aussi mes excentricités, surtout musicales et littéraires.
J'arrive un peu tard: il m'a fallu nettoyer le café des Arènes, quasiment gratos, monter des moellons pour la clôture de chez moi, couler du béton, planter, arroser, assumer la bréga lors de la tienta du chiendent chez Pelayo, etc, etc....
Bravo pour ce texte, Lionel: sûr que, même imparfait, finaud et roublard, espiègle et malicieux, Espla restera pour les aficionados a los toros que nous sommes un matador exceptionnel, un exemple, une référence, un "encastado" dont pourraient s'inspirer les jeunes générations de toreros, loin des grimaces et clowneries palidiesques
dont raffolent les amateurs des fausses émotions que leur procurent les chèvres doméquisées
Abrazo
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