mardi 27 octobre 2009

Le matador et la diva.


Il est des sujets pour lesquels l’on porte un certain intérêt, et dont l’origine de l’attrait est parfois des plus surprenante. Même si l’afición a los toros est née dès l’enfance, il est courant bien des années plus tard, de faire des découvertes permettant la poursuite du cheminement sur la terre des toros. Cette terre taurine, indissociable de la terre des hommes, cette culture taurine, inséparable de la culture Humaine, et ce depuis des siècles.
Les avis étant subjectifs, chacun et chacune aura une représentation bien personnelle de cette alliance taurino-humaine. En général, il s’agit d’un torero, dont les prestations dans les ruedos mais aussi en la calle, rassemblent l’idée même que l’on se fait de la vie et de la corrida de toros. Je ne peux cacher que parmi les toreros contemporains, Francisco Rivera « Paquirri », Christian Montcouquiol « Niméño II » et Victor Mendes ont marqué mon afición. Au début du XXè siècle, c’est José Gomèz « Josélito », qui paraît le plus représenter mon idéal taurin, de par sa conception de la tauromachie*. Mais si il est un torero pour lequel mon intérêt est grand et ce pour diverses raisons, il s’agit bien de Luis Mazzantini.

Déjà évoqué sur ces colonnes à quelques reprises, je ne peux m’empêcher d’aborder une nouvelle fois ce matador, mais non pas sous son passé de franc-maçon comme réalisé dernièrement. Cette fois-ci il s’agit d’un article lu il y a plus de 18 mois, signé de Manuel Henríquez Lagarde, et intitulé El matador y la diva.
Même si il est certain que les amants furent discrets sur leurs amours, et que dans pareils cas l’on ne peut pas empêcher la rumeur de s’établir ainsi que les idées les plus folles, ce texte cubain comme d’autres, renseigne l’aficionado sur quelques points. Des points, des pierres, de l’édifice taurin qui peuvent paraître anodins, mais qui mis bout à bout avec patience, permettent de construire le puzzle d’une certaine époque tauromachique.

L’on passera aisément sur la façon décrite de manière quelque peu romancée, dont la diva et le matador ont été respectivement accueillis en terres cubaines. Par contre, l’on retrouve une fois de plus les accointances entre Don Luis et l’aristocratie, où le maestro rencontre entre autre la comtesse Fernandina. Mais il est dit aussi que c’est Luis Mazzantini acteur qui conquis d’abord la société havanaise, lors d’une représentation théâtrale au bénéfice du collège des petites filles de Jésus del Monte. Il joua dans une œuvre de Julian Casal, intitulée Echar la nave.

Luis Mazzantini tomba d’admiration pour Sarah Bernhardt, au point, un soir de représentation, de se diriger vers sa loge, accompagné par deux hommes de sa cuadrilla, à savoir Diego Cuatro Debos y Babila. Mais la rencontre fût des plus furtives, à peine quelques mots échangés de manière très brève, un dénommé Marty Gutiérez faisant barrage devant la loge.

Concernant le premier nommé des hommes accompagnant Don Luis, il semble s’agir plus exactement de Diego Prieto Barrera « Cuatro-Dedos ». Il est écrit dans l’hebdomadaire taurin « El Ruedo » en date du 23 octobre 1952, que don Diego est né à Coria del Rio (Sevilla) le 15 janvier 1858, alors que le « Cossio » donne comme date de naissance le 28 janvier 1856, et qu’il décéda à Mejico le 16 février 1918. Diego Prieto Barrera torea avec bon nombre de figuras. L’on retrouve aussi Diego Prieto en compagnie de Tomas Mazzantini, frère de Luis, en 1884. Apprécié aux Amériques, Don Diego, matador de toros de second plan en Espagne, est défini comme un torero bon muletero et estoqueador. Il semblerait donc que « Cuatro-Dedos » ne fût pas présent à La Havana en tant que membre de la cuadrilla mazzantinienne, mais en qualité de matador. Ce que semble confirmer la suite de la lecture du texte initial, puisqu’il y est dit que lors de la corrida du 23 janvier 1888, en la plaza de toros cubaine de Belascoaín, les deux premiers bichos furent facilement dominés par Mazzantini et « Cuatro-Dedos ».

Luis Mazzantini, qui réussit involontairement à répandre sa mode vestimentaire à la haute société havanaise, ne remplit pas les arènes malgré sa présence au cartel lors de cette journée de janvier. Ce fût même une course où le diestro parût couard à quelques reprises, pour se reprendre par la suite. L’on apprend aussi lors de la tarde cubaine, que le castoreño nommé Cantares, fût malmené par le troisième toro de la tarde, qui échut à Don Luis. Malmené le picador, au point de voir son maestro venir au quite. Les corridas cubaines étaient avec piques et mises à mort.

A l’issue de la corrida à laquelle Luis Mazzantini venait de participer dans un costume vert et argent, et lors de laquelle il s’était permis de poser une paire de banderilles, le maestro rentra à l’hôtel d’Angleterre, qui s’enorgueillit encore de nos jours d’avoir reçu Luis Mazzantini et Sarah Bernhardt en ses murs. La, un garçon l’attendait avec une carte sur laquelle il était noté que les mots entendus dans la loge étaient insuffisants. C’est alors que Don Luis alla à « l’hôtel Petit » où était logée l’actrice.

La légende qui semble s’être construite autour de cet amour entre le torero et l’actrice française, amène à évoquer des faits qui paraissent très surprenants. Comme par exemple dans ce texte de Manuel Henríquez Lagarde, où il est évoqué une scène quelque peu intrigante.
Invité à entrer dans la chambre de l’actrice, Don Luis se déshabille et se couche dans le cercueil qui, d’après les dires, accompagne toujours « La voix d’or », et l’invite à le rejoindre. Ainsi couchés dans les bras l’un de l’autre, Sarah Bernhardt lança tu vois, c’est le monde, l’amour, toutes les grandes choses, une ligne simple, une limite imperceptible entre la vie et la mort. Les amants s’embrassèrent, au milieu des cris des animaux qui accompagnaient l’actrice et logeaient eux-aussi dans sa chambre.

Nous laisserons aux lecteurs et lectrices de ces colonnes, le soin d’apporter l’intérêt qu’il ou elle jugera utile à cette dernière scène, incongrue et totalement décalée vis à vis de l’image que l’on peut avoir notamment du torero. Mais il est à souligner que même si l’imagination de l’auteur initial du texte semble ici débordante, une photographie parue en 1903 dans un magazine américain, représente l’actrice se reposant dans sa maison et dans un cercueil. Sarah, qui a l’âge de 15 ans, déjà excentrique et morbide, faisait la sieste dans le cercueil qu’elle s’était acheté.

Une semaine après la naissance de cet amour et la corrida de la plaza de Belacoaín, le périodique La voz de Cuba, informe du déroulement de la corrida a puerta cerrada, que Luis Mazzantini donna en l’honneur de Sarah Bernhardt. Et le journaliste de la voix de Cuba de conclure son article de 1888, ved aquí los frutos de la estrecha alianza y de la íntima unión entre una ilustre trágica francesa y un matador de toros español.


* L’on peut lire à ce sujet l’excellent livre de Joël Bartolotti intitulé « Gallito, matador de toros, de l’enfant roi au Dieu mortel » (Editions UBTF, 1997).

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