jeudi 9 avril 2009

El toro mason (1)


Le 1er septembre 2007, le site internet « Opinion y Toros » publiait dans un tribune, un article intitulé « El toro mason : indulto en San Clemente » (1), écrit par Joaquín Albaicín, écrivain et aficionado a los toros. A l’origine de l’article, un festival à San Clemente ou toréait entre autre Julio Aparicio. L’auteur, qui ce jour là fût subjugué par le toreo de Aparicio, posa la question du comportement de l’animal. La réponse fût non des moins surprenante et inattendue.

¿Qué cómo fue el toro? Pues Laborioso no fue un toro trabajador, salvo si entendemos trabajo en el sentido masónico de la palabra. Laborioso fue más bien eso, un toro masón, un toro apto para servir a un trabajo de alta orfebrería espiritual.

Il semblerait que pour l’auteur, le mot travail possède un double sens. A savoir celui communément employé, et un autre qui serait donc le « sens maçonnique ». Pourtant, le travail est défini comme une activité de l’homme appliquée à la production, à la création, à l’entretien de quelque chose. Mais aussi, la définition philosophique qui est donnée à ce mot, est une activité de transformation de la relation, propre aux hommes, qui les met en relation et qui est productrice de valeurs. L’on trouve aussi la définition suivante, que le travail est une action progressive, continue, produite par un élément, un phénomène naturel : ensemble des phénomènes qui se produisent dans une substance et en change la nature, la forme ; modification qui en résulte, et en espagnol, l’emploi de ce mot est sensiblement identique. Même si le travail a été attribué à des fonctions particulières demandées à des animaux, ce n’est que sous la pression de l’homme pour une ou des actions bien précises, mais jamais de la propre volonté de l’animal. Lorsque des animaux nous semblent travailler à, par exemple, confectionner des réserves de nourritures, ce n’est que par nécessité de subsistance et non pas une activité de création comme peut le faire l’être humain. L’homme créé de par son travail, pour se nourrir grâce à une rétribution suite à son labeur, mais aussi il travaille pour améliorer son quotidien (habitat), sa connaissance intellectuelle (culture).

Je me suis toujours interrogé sur la signification du « sens maçonnique » que l’on peut attribuer à des mots ou expressions. Cela m’a toujours un peu surpris d’entendre ou de lire des personnes, se retrancher derrière un « sens maçonnique » ou bien encore derrière le « maconniquement parlant » comme entendu dernièrement à l’écoute d’une émission sur France-culture, tout cela en lieu et place du sens étymologique. Donner un « sens maçonnique » sonne à mes oreilles comme si la franc-maçonnerie possédait sa propre langue. Il est vrai qu’elle a utilisé un alphabet tombé en désuétude depuis fort longtemps, et que certaines de ses expressions sont maintenant passées dans le langage courant. Mais pas plus.
Attribuer un « sens maçonnique », me fait songer à ces individus qui vivent dans la crainte du jugement de l’autre, des autres, et qui éprouvent le besoin de donner une justification précise sur leur façon de penser et d’acter leur quotidien par soucis d’acceptation de la part des autres justement. Ce retrancher derrière le « sens maçonnique », peut donner l’impression d’offrir une dimension différente au mot employé, dimension se voulant plus forte. En ce cas précis, cela insinue que le mot travail possède une signification plus importante par un emploi à connotation maçonnique.

Il semblerait donc que Julio Aparicio n’est pas rencontré de jour-là un adversaire travailleur. Mais un taureau doit-il être travailleur, ne doit-il pas être avant tout un combattant ? Sachant, si l’on veut continuer dans l’emploi d’un « sens maçonnique », que le terme de combattant aurait aussi très pu être utilisé. Car les francs-maçons et francs-maçonnes (commed'autres) se battent, combattent, contre l’intolérance et pour faire avancer des idées de progrès social et humain. Le taureau aussi se bat, combat l’homme venant le défier.

Il semble intéressant de s’interroger aussi sur la signification de un toro mason, et le sens que cette expression peut représenter pour nous, aficionados et intéressés par le symbolisme. Partant du fait que l’anti-spécisme n’est pas de mise dans les réflexions des sujets abordés sur ces colonnes, puisque si des espèces existent, c’est que dans l’ordre des choses mises en place dans la Nature, les différentes espèces possèdent chacune un rôle et se doivent d’exister en tant que tel, comment un taureau pourrait-il être franc-maçon ?

L’auteur souligne que le taureau est franc-maçon car par son attitude dans le ruedo, il ne semble pas opportun ici de parler de combat, a offert un « travail de haute orfèvrerie spirituelle ». L’on peut recevoir cette expression comme une métaphore, pour souligner l’action de l’animal qui a permis au torero de briller, et dans le sens du texte lui trouver de hautes valeurs. Prenant un peu de recul vis à vis du « sens maçonnique », il semble que l’interprétation des rôles ait été inversée, comme si l’on voulait donner une importance à la prestation du taureau, alors que ce dernier ne semble pas avoir réellement combattu mais plutôt collaboré. La question se pose de savoir si c’est le taureau qui est paru franc-maçon, ou bien le torero dans sa prestation.

Attribuer une telle valeur au taureau, fausse le ressenti dans une corrida, c’est bien trop souvent il est recherché le taureau qui collabore et non pas celui qui combat, et qui par sa collaboration, permet au torero de triompher. Mais quel sens a le triomphe du torero, si face à lui, se trouve un collaborateur et non un combattant ? La valeur n'en est que faible, puisque le taureau ne fût pas un réel adversaire.
L’on en vient alors à inverser les rôles et canons tauromachiques, et malheureusement à oublier que le taureau permet à l’homme de réaliser son toreo car c’est à ce dernier de travailler le bovidé. C’est le matador qui travaille la pierre brute qu’est le taureau à sa sortie du toril, pour le polir tout au long de la lidia et s’efforcer dans tirer le meilleur sur l’ensemble du combat. Si l’un des deux principaux protagonistes d’une corrida doit être qualifié de travailleur, c’est bien l’homme. Le taureau possède son importance car il est le matériau qu’il faut travailler, qui, par son comportement, est aussi difficile à maîtriser que la matière. La pierre ne réagit pas toujours aux attentes du tailleur, l’argile présente des réactions inattendues jusqu’au moment de la cuisson, le bois se modifie même une fois le meuble construit, le fer vit sous les mains du forgeron mais aussi sous la taille exercée par la machine outils. Il en est de même pour le taureau, ce dernier modifie son comportement tout au long de la lidia, et c’est à l’homme de trouver la solution pour en tirer le meilleur. Les outils du torero pour polir le comportement du taureau, son les trastos ainsi que la connaissance de la lidia.

La base, l’esprit de la tauromachie, ce n’est pas d’avoir un taureau qui collabore et qui permette au torero de briller. La tauromachie, c’est le matador qui doit exceller par son seul mérite d’avoir réussi à réduire les aspérités de son adversaire qu’est le taureau. C’est en ce sens que l’on pourrait éventuellement aborder un « sens maçonnique », à savoir non pas un toro mason, mais « un matador mason ».

(1) http://www.opinionytoros.com/tribuna.php?Id=286

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