mardi 7 avril 2009

Les Deux Arts


L’art, exprimé par des artistes auréolés de succès ou par des plus humbles, représente une aptitude, une habileté à faire ou créer quelque chose, grâce à la stricte observation de moyens, de procédés et de règles. L’art est aussi l’expression totalement désintéressée et idéale du beau. Ce beau qui est perceptible dans les lettres, la peinture, la sculpture, la musique ou la tauromachie, est souvent classé en art mineur ou art majeur.
L’homme a toujours eu et aura toujours ce besoin de cataloguer, d’où la nécessité de définir ainsi deux catégories d’arts. Pourtant, l’art, les arts, qu’ils soient d’expressions physiques ou intellectuelles, sont tous importants, tous majeurs. Car ce qui est beau ne connaît pas de minorité ou de majorité, il est le beau à la fois dans sa simplicité et dans sa grandeur, qu’il soit exprimé par un illustre ou par un inconnu.
C’est ainsi que toutes les formes d’arts ont de l’importance, et notamment un art qui n’est pas considéré comme tel au premier abord, mais dont pourtant la pratique dans toute sa dimension originelle est artistique. Un art pratiqué quotidiennement par tout un chacun avec plus ou moins de succès, et ce depuis que l’être humain s’est aperçu de la dotation de ses facultés intellectuelles. Un art qui n’est autre que celui de la pensée, et que quelques uns connaissent sous le terme de « art royal ».

Ce vocable est souvent associé à la franc-maçonnerie, car l’art royal est devenu synonyme de ce mouvement philosophique au XVIIIè siècle, période où paraissent les Constitutions d’Anderson, et qui sont les bases fondatrices de la franc-maçonnerie moderne. L’on sait que cette expression fait référence à l’art de bâtir des maçons opératifs, dont est issue la franc-maçonnerie dite spéculative, car ayant délaissée la partie manuelle au moment de l’intégration d’une certaine bourgeoisie dans les loges anglaises.
Mais à la lecture d’ouvrages, l’on s’aperçoit que l’art royal n’est pas qu’une qualification du courant philosophique maçonnique. Malgré les diverses traductions et donc les divergences d’interprétations sur la signification de l’art royal, l’on retrouve quelques auteurs pour qui une partie de ses origines se situe parmi les constructeurs du temple de Salomon. Ceci du fait de l’intérêt porté par les Rois pour l’ensemble des constructeurs qui étaient à leurs services, en faisant ainsi un art de bâtir destiné aux têtes couronnées.
D’autres personnes attirées par l’occultisme, voient en l’art royal, une distinction entre l’art sacré de l’Antiquité qui est en lien avec l’alchimie et la chimie, et l’art sacerdotal. Ce dernier faisant référence aux grands mystères, qui sont symboliquement destinés à amener l’Etre Humain, de son état de perfectibilité à celui de l’approche de l’identité suprême. L’art sacerdotal étant opposé à l’art royal, puisque ce dernier contient les petits mystères, qui dans le symbolisme existent par une opposition d’approche initiatique. L’art royal faisant ainsi référence à ce qui se rapporte aux diverses possibilités de l’Individu dans sa globalité, et permettant ainsi un accès à la perfectibilité de son état.

C’est donc la perception de l’art royal, centrée sur l’Individu dans sa globalité et donnant accès aux petits mystères, qui a donné l’idée de nommer ce blog « Les Deux Arts ». Car l’art royal ainsi défini, s’associe parfaitement à l’art de Cuchares, n’en déplaise aux détracteurs de la tauromachie mais aussi à ceux et celles peu enclins à aborder une certaine forme de pensée.

La tauromachie est au premier abord l’un de ces petits Mystères qu’un jour des matadors comme Pepe Hillo ou bien Francisco Montes « Paquiro », et d’autres ensuite comme José Gómez Ortega « Joselito », Juan Belmonte, ou encore Rafael Ortega, ont porté à un haut degré de perfectionnement. Mais ce qui amène la tauromachie à être partie intégrante de l’ensemble des petits Mystères qui font l’art royal, est que son histoire depuis ses origines, mais aussi et surtout sa finalité symbolique et rituélique, font que l’art de Cuchares appelle sa compréhension à une approche initiatique comme il en est de même de l’art royal.

Initiatique ! Le mot est lâché, et ce deux fois déjà depuis les premières lignes de ce texte. Voilà que quelques uns vont penser que je veuille associer coûte que coûte la tauromachie aux sociétés initiatiques, et principalement à l’une d’entre elle qu’est la franc-maçonnerie, source de fantasmes et de chasses aux sorcières régulièrement alimentée dans divers médias nationaux et locaux. Oui, les esprits réducteurs, adeptes des bas amalgames, vont aussitôt faire le rapprochement, puisque de plus, je suis l’auteur d’un ouvrage sur ces deux thèmes abordés conjointement. Pourtant parmi les sociétés initiatiques, l’on en trouve bien d’autres, des Rosicruciens aux Martinistes ou autres adeptes du bouddhisme actuellement très à la mode, car concernant cette dernière, pour qui veut persévérer dans cette religion doit accéder à l’initiation.
Même si cela doit déplaire, la tauromachie est initiatique. Initiatique veut dire qui relève de l’initiation, l’initiation signifiant une action de révéler ou de recevoir la connaissance d’une pratique, les premiers rudiments d’une discipline. Il est vrai que l’initiation étant souvent liée à une cérémonie particulière qui permet à l’individu d’accéder à un groupe d’appartenance, cérémonie ritualisée inaccessible aux profanes, ce qui fait dire au quidam plus enclin à critiquer qu’à chercher et comprendre, que l’aspect initiatique n’est que mascarade voire grand-guignolesque.

Il existe pourtant de multiples catégories de personnes qui accèdent de façon initiatique à la connaissance d’une pratique, et les aficionados a los toros sont de ceux-là. Oswald Wirth a écrit que l’initiable seul s’initie, ainsi le veut l’inéluctable loi de l’art royal. Pour l’aficionado a los toros, afin d’accéder à cette approche de la tauromachie éloignée des dogmes taurins et plus adjacente de ses aspirations, il ou elle doit être initiable.
Qu’il n’y ait pas de méprise, cela ne sous entend pas une quelconque position élitiste, de personne « élue », laissons cela aux sectes et autres mouvements spirituels où brille l’obscurantisme. Il s’agit simplement, d’une volonté personnelle de comprendre, de progresser sur un chemin librement emprunté.

Afin d’accéder à une certaine connaissance de la tauromachie, qui s’étend de la lidia aux différents arts taurins, il faut accepter d’acquérir une connaissance évolutive, suivie patiemment par divers degrés de découverte, ce qui en fait la Tauromachie. Bien entendu l’on peut accéder à une forme de connaissance taurine sans vouloir prétendre à s’y initier pleinement, et l’on accède alors à la corrida. Mais la corrida n’est pas la tauromachie, cette dernière étant complexe et multiple. Que l’on veuille ou non approfondir ses connaissances en matière taurine, et donc aimer la corrida ou aller plus loin et accéder à la tauromachie, du moment ou les uns comme les autres, ne tentent pas de dégoûter voire de jeter au pilori les avis différents et a fortiori les propos qui seront présentés sur ces colonnes, l’on doit considérer l’option choisie comme respectable et doit être respectée.

A partir de cette volonté d’aller plus loin, comprendre sa passion pour la tauromachie comme l’une des multiples composantes de son univers personnel, amène à approfondir sous divers aspects cette passion. A l’image de ces hommes et femmes qui ont réfléchi au sens de la Vie, ont désiré discerner le vrai du faux, le laid du beau, les petits et les grands mystères, sans avoir de connaissances particulières autres que leurs propres expériences, les écrits qui vont figurer sur ces colonnes, se doivent d’être lus et compris comme des réflexions personnelles permettant d’alimenter une démarche de réflexion vis à vis de la tauromachie avec comme credo l’esprit des mouvements philosophiques, initiatiques. Une démarche qui, puisqu’elle est ainsi livrée, se veut d’être partagée dans un soucis de respect des différences.

Un jour athée l’autre agnostique, désireux de comprendre, modeste chercheur mais véritablement passionné, c’est ainsi que j’aborde les petits mystères. Il est certain que rien ne nous interdit de penser, à moins d’être soumis à un courant sociétal adepte des rites négatifs et donc basés sur les interdits. Pourtant, dès que l’on essaye de travailler sa pierre pour comprendre le monde, les mondes, pour réfléchir en dehors des sentiers battus, loin des penseurs officiels, et pour peu que l’on ne soit pas un exégète en la matière, les foudres tombent parfois comme des sentences sans appels. Mais peu importe, car il est de mode de se voir interdire l’accès à la réflexion comme nous le démontre l’expérience quotidienne. Même sous couvert d’opposition à des idéaux, l’on voit toujours les mêmes exprimer une opposition. La preuve avec un baromètre infaillible que sont les émissions politique télévisées ou radiophoniques, qui invitent toujours les mêmes analystes, sociologues et autres professions aux terminaisons en logues.
D’autant plus que, pour qui souhaite aborder l’art de torear de manière atypique, sait par avance que plus ou moins rapidement, un jour ou l’autre cela lui sera reproché. Mais qu’à cela ne tienne, comme l’écrivit Chamfort, ne tenir dans la main de personne, être l’homme de son cœur, de ses principes, de ses sentiments, c’est ce que j’ai vu de plus rare. C’est ainsi que ce modeste blog « Les Deux Arts » entend vivre, avec ses colonnes ouvertes aux initiables comme aux initiés…

Aucun commentaire: